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- Écrit par : Patrick Juignet
- Catégorie : Actualités philosophiques, scientifiques et sociétales
Ce billet fait suite à la parution du livre Le corps et l'esprit - Problèmes cartésiens, problèmes contemporains.
Certes, c'est un livre qui intéressera surtout les spécialistes de Descartes, mais le problème du rapport entre corps et esprit reste d'actualité pour l'ensemble de la philosophie. Se pose alors l'intéressante question de savoir si c'est le même problème qui préoccupa Descartes. Pensons-nous la même chose lorsque nous entendons avec la même expression ?
Dans son article introductif « Cartésianisme et philosophie de l’esprit », Sandrine Roux s'intéresse à la relation de la philosophie avec son histoire et s'interroge sur la (bonne) manière de se référer aux auteurs du passé.
A ce sujet, on peut évoquer quatre possibilités. Voyons-les successivement :
* Présupposer des problèmes éternels et des façons de penser toujours identiques.
* Se centrer sur l'auteur et reconstituer au plus près ce qu'il a voulu dire selon la façon de penser de l'époque.
* Se situer dans une reconstruction rationnelle comme le fait la philosophie de l'esprit, ce qui revient à « lire les philosophes du passé comme s'ils étaient nos contemporains ».
* Supposer une communauté d'expérience et de pensée suffisante avec l'auteur concerné pour que nous puissions dialoguer ? Aujourd'hui, les enjeux « sont-ils sensiblement les mêmes qu'à l'âge classique » (p. 21) ?
Avec Descartes, nous entrons dans le problème corps-esprit, devenu dominant dans l'épistémè moderne. Descartes ouvre une époque, car, comme le dit Sandrine Roux, « le cartésianisme introduit à cet endroit une rupture décisive et un questionnement nouveau » (p. 6). Ce problème prend des formes différentes, mais il est omniprésent. La philosophie de l'esprit contemporaine n'aurait pas tort et Gilbert Ryle parlerait à juste titre du « mythe cartésien » et de la « doctrine reçue », car la distinction corps/esprit contemporaine serait à peu de chose près le problème de Descartes. Si nous sommes encore pris dans le schéma corps/esprit, ce n'est pas parce que nous subissons l'influence de Descartes, mais, bien plutôt, parce que nous pensons selon les mêmes schémas que lui.
Le corps et l'esprit - Problèmes cartésiens, problèmes contemporains. Ed. des archives contemporaines, Paris, 2015.
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- Écrit par : Patrick Juignet
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Cette formule « le sommeil de la raison engendre des monstres » est impressionnante de concision et de vérité.
Francisco de Goya a dessiné une série de gravures dans lesquelles il a traité des questions morales qui préoccupaient les intellectuels espagnols de la fin du XVIIIe siècle.
« Le sommeil de la raison engendre des monstres » est le titre de l'une des gravures parmi les plus célèbres du siècle des Lumières. On y voit l’artiste, endormi, envahi par d’inquiétantes créatures.
Le sens est double : sur un plan individuel l’imagination laissée à elle-même engendre des pensées morbides et sur un plan politique la déraison et la passion du pouvoir engendrent des formes sociales monstrueuses.
Sans raison, pondération, référence à une éthique humaniste, la barbarie se déchaine.
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- Écrit par : Patrick Juignet
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À quoi bon reparler d'humanisme ? Au vu des doutes et incertitudes actuelles, il serait probablement utile de réinventer un récit philosophique partageable qui redonne une cohésion et une confiance collective. L'humanisme pourrait être un antidote à la vision utilitariste de l'homme, au vide idéologique contemporain, tout comme aux extrémismes religieux. L'humanisme est une doctrine suffisamment large pour qu'elle soit reprise par beaucoup de personnes de bonne volonté. Mais, il nous faut redéfinir l'humanisme, car si l'on veut qu'il soit efficace, il faut un humanisme sans complaisance.
Mettre l’homme en avant ne suffit pas, car la barbarie est – hélas – très humaine. Chaque homme peut aussi bien devenir un monstre stupide, ignorant, avide, sadique, haineux, qu’un sage empathique, savant, créatif et altruiste. Il peut surtout devenir une victime de l’idéologie. Les pires barbaries ont presque toujours été commises au nom de principes idéologiques et religieux : guerres de religion en Europe, massacres des juifs sous le nazisme, assassinats de masse sous le communisme. C’est toujours au nom de croyances idéologiques et religieuses – ce qui est le propre de l’homme – que le plus inhumain est perpétré.
L'humanisme ne peut être une simple idéalisation de l’homme. Il faut le définir autrement et mieux. Pour cela l’humanité (au sens d'un devenir de l'homme) est une notion intéressante. L'usage linguistique a consacré les termes d'humain et d'humanité pour signifier digne, sage et empathique. Par opposition, en cas de violence destructrice pour les individus et désorganisatrice pour la sociabilité, on parle de barbarie. La locution « avoir de l'humanité » désigne le respect et la sociabilité, qualités nécessaires pour une vie harmonieuse.
Dans cette perspective, l'éthique humaniste consiste à faire en sorte que l'humanité, possible, mais pas certaine, chez l'homo-sapiens, advienne. L'humanité est à construire par l'éducation et collectivement par l'avancée civilisationnelle. Pour que l'humanisme soit efficace, il faut qu'il soit à la fois volontariste, sans complaisance et soutenu par le droit. Les deux déclarations sur les droits de l'Homme (Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen de 1789 et la Déclaration universelle des droits de l'homme de 1948) sont à ce titre essentielles.
Voir l'article : Humanité ou sagesse ?