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- Écrit par : Patrick Juignet
Ce qu’on nomme aujourd’hui, en français, « les Lumières » est un objet historiographique complexe au sein duquel se conjuguent l'idéologie, la philosophie, la littérature et l’histoire. Il faut aussi tenir compte de la diversité des langues, des institutions et des sociétés dans lesquelles se sont déclinées les Lumières (Enlightenment, Aufklärung, Illuminismo, etc.).
Un nouveau livre historique de qualité sur l'époque des Lumières nous est proposé, c'est L’héritage des Lumières. Ambivalences de la modernité, écrit par Antoine Lilti.
Pourquoi les Lumières nous interpellent-elles ? C'est qu'elles évoquent un moment flamboyant de l'histoire des idées qui contraste avec notre époque blasée (issue de la déconstruction post-moderne), marquée par une remontée des religions, de l'ignorance et de l'irrationalité.
« Lumières », « Enlightenment », « Aufklärung », « illustracion» , « Illuminismo », ces termes désignent un vaste mouvement culturel présent en Europe au cours du XVIIIe siècle, dont les historiens contemporains ont voulu montrer la diversité. La diversité des transformations du XVIIIe siècle, pourrait faire perdre de vue l'aspect philosophique, qui a fait postérité et reste intéressant pour nous ; ce qui fait que « ce XVIIIe siècle est encore parmi nous et travaille en nous » disait Alphonse Dupont.
L'auteur nous aide à caractériser les Lumières de façon synthétique. Même si c'est une façon un peu simple de procéder, elle est importante à un moment où les principes avancés par la philosophie des Lumières disparaissent de l'idéologie contemporaine. Listons ces valeurs et principes, que nous rappelle Antoine Lilti : - autonomie fondée sur la raison - tolérance et droits de l’homme - liberté individuelle - modération - justice - liberté d’expression - émancipation adossé à la diffusion du savoir - optimisme réformateur et foi dans le progrès - critique des préjugés et des conventions - prestige de la science - humanisme cosmopolite.
L’auteur aborde son sujet au travers de trois thèmes : l’Universalisme, la Politique et la Modernité. Il évoque dans l'Introduction divers problèmes épistémologiques, dont nous ne retiendrons que celui de l’historicisme :
« Pour certains, les Lumières représentent un ensemble de valeurs et de concepts […] pour d’autres, en revanche, les Lumières […] ne peuvent être comprises qu’au regard des transformations historiques ».
On trouve, au sujet des Lumières, le reproche infondé d’historicisme, supposant que l’approche rationnelle et l’approche historique de la pensée seraient exclusives. Or, on peut admettre que l’évolution civilisationnelle et culturelle fasse apparaître des principes, qui peuvent - aussi - être jugés rationnellement et évalués pour eux-mêmes. Rapporter la pensée à une époque et à sa culture n’exclut pas de juger de son intérêt et de sa valeur. Ce que résume Antoine Lilti : « ces deux conceptions ne peuvent s’émanciper l’une de l’autre ».
Lilti A., L’héritage des Lumières. Ambivalences de la modernité, Paris, EHESS Gallimard Seuil, 2019.
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- Écrit par : Patrick Juignet
Le livre de Pascal Engel, Manuel rationaliste de survie, (éditions Agone, 2020) est à la fois une défense du rationalisme et un programme de recherche. Il explore les possibilités de perfectionner le rationalisme, dans un dialogue avec d’autres représentants de cette école et avec les défenseurs de l’empirisme.
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- Écrit par : Patrick Juignet
L'incroyable tolérance/complaisance vis-à-vis des aspects rétrogrades et obscurantistes de certaine cultures ou certaines religions , est, en arrière-plan, lié au déni des différences entre les divers processus historiques et civilisationnels. On affirme qui toutes les société ont une histoire, ce qui est vrai, et que cette histoire les mets à équivalence, ce qui est faux car l'évolution historique ne les a pas conduit au même point.
Les cultures et les sociétés évoluent toutes dans le temps, mais pas de la même manière. Il y a d'évidence un déni, ou une ignorance, dans une partie de la population, des évolutions de la civilisation vers plus de liberté, d'humanisme et d'universalisme qui se sont produits en Europe à partir du XVIIIe siècle. Des évolutions se sont produites aussi dans toutes les sociétés, mais ce ne sont pas les mêmes et toutes les évolutions socio-culturelles ne se valent pas sur le plan de l'humanisme et de l'universalisme.
En Europe, il s’est passé deux phénomènes, étroitement liés, qui ont fabriqué la civilisation occidentale : la naissance de l’esprit scientifique et la philosophie des Lumières. Leurs effets ont mis des siècles pour se manifester. Préparées au XVIIe et XVIIIe siècles, elles n'ont abouti qu'au XXe siècle et encore avec difficulté.
En France, la Révolution française, puis les lois sur la laïcité (1880, 1902) ont permis d'empêcher la religion catholique d’imposer sa vérité idéologico-religieuse et son pouvoir politique. Elles ont imposé les lois de la République et, finalement, la religion est devenue une affaire privée. La laïcité s'est imposée dans la sphère publique.
En Occident, le désastre de la Seconde Guerre mondiale a aboutit à la Déclaration universelle des droits de l'Homme (adoptée par l’Assemblée générale des Nations unies le 10 décembre 1948 à Paris).
Il s'est produit en Europe, et plus largement en Occident, un processus historique particulier qui a permis la connaissance scientifique, la tolérance religieuse, l'apparition de régimes politiques laïques et démocratiques, la reconnaissance des droits humains. C'est un progrès civilisationnel majeur. Le déni de ce progrès contribue au brouillage idéologique contemporain.
Voir aussi l'article :
PIERRE, Sylvie. La laïcité, un principe au fondement de l’école de la République