Actualités philosophiques, scientifiques et sociétales
Cerveau reptilien
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- Écrit par : Patrick Juignet
La vulgarisation aboutit assez souvent à des savoirs distincts et nettement différents du savoir d’origine.
Dans le domaine des neurosciences, qui a bénéficié de la mode des idéologies biologisantes en France depuis les années 1970, la théorie du cerveau reptilien s’est largement répandue. Partant d’un cadre général, présenté dans Le Singe, le gène et le neurone (2013), la théorie selon laquelle l’Homme aurait une partie de son cerveau du même type que celui des reptiles s’est répandue.
Le « cerveau reptilien » est un concept censé expliquer nos comportements primitifs – des besoins les plus élémentaires comme s’alimenter ou se reproduire jusqu’à nos pulsions les plus violentes. Il n’est pas rare de voir le terme utilisé dans les ouvrages de développement personnel, par des publicitaires se targuant de cibler la part reptilienne de notre cerveau pour vendre leurs produits, ou encore par de pseudo-thérapeutes qui souhaitent nous aider à apprivoiser le « crocodile en nous ».
La notion de cerveau reptilien s’inscrit plus largement dans la théorie du « cerveau triunique » développé par le neurobiologiste Paul MacLean dans les années 1960. Cette théorie générale de l’organisation du cerveau rapporte à une part archaïque de notre héritage évolutif un ensemble d’attitudes « primaires », par exemple l’instinct sexuel, l’instinct de survie, l’agressivité. Plus précisément, le cerveau humain tel qu’il est aujourd’hui serait, selon cette théorie, composé de trois « couches ». Chacune se serait développée à des moments différents, et correspondrait à une étape de l’évolution de l’espèce humaine. Chacune contrôlerait un aspect spécifique de nos comportements. La plus ancienne de ces structures correspondrait ainsi à un cerveau hérité d’ancêtres reptiliens, siège des comportements primaires, tandis que les deux autres, développés plus récemment, seraient dédiées d’une part aux émotions et, d’autre part, à la cognition.
Bien que la théorie ait rapidement été considérée comme erronée par la communauté scientifique, elle n’en a pas moins connu une grande popularité auprès du public, qui persiste encore à ce jour. Cette affirmation, qui n’est pas fondée scientifiquement, a été largement reprise et diffusée. Sébastien Lemerle (Université Paris Nanterre) montre avec les outils de la démarche sociologique que cela vient de contraintes, internes et externes, propres à la vulgarisation scientifique.
Lemerle S., Cerveau reptilien. Sur la popularité d'une erreur scientifique, Paris, CNRS éditions, 2021.
Du patrimoine commun à la marchandisation de la connaissance
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- Écrit par : Patrick Juignet
Une partie du monde académique met à disposition ses productions en accès libre. Parallèlement, le financement des recherches académiques par des entreprises, l’implication de celles-ci dans les formations universitaires, le dépôt de brevets, l’économie de l’édition et de la formation tendent à placer l’enseignement et la recherche dans une économie marchande avec des contraintes spécifiques. Le mélange de gratuité et de monétarisation, de partage et de marchandisation, d’altruisme et d’individualisme, est-il nécessaire au fonctionnement de la science actuelle ou pénalisant ? Quel modèle d’économie de la connaissance est le plus profitable à tous ? La science « ouverte » est-elle un partage ou la mise à disposition à bas coûts des productions scientifiques ?
Du patrimoine commun à la marchandisation de la connaissance
Les vidéos du séminaire 2019-20121 sur les faits sont disponibles. La remise en cause de « faits » établis dans le monde académique pose la question des critères de validation et des méthodes d’établissement des faits. Y a-t-il une méthode universelle pour dire ce qui est vrai ou chaque discipline a-t-elle ses propres critères spécifiques pour décider des limites des énoncés acceptables ? Est-ce que la façon d’établir les faits ou la manière de les énoncer a changé ? Nous souhaitons faire le point sur ce qu’est un fait établi dans différentes disciplines. A travers l’organisation d’une série de séminaires dans différentes disciplines, le séminaire itinérant du Centre d’Alembert permettra d’interroger la légitimité et la fécondité du doute ainsi que ses limites à l’heure des « faits alternatifs » et des manipulations de l’information sur des sujets traités dans le monde académique.
Qu'est-ce qu'un fait établi ? Comment se trompe-t-on ?
Le cheminement de la pensée scientifique
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- Écrit par : Patrick Juignet
Pour illustrer une façon de saisir le cheminement de la pensée scientifique dans sa complexité, voici un propos d'Alexandre Koyré :
« L'histoire de la pensée scientifique, telle que je l'entends et m'efforce de la pratiquer, vise à saisir le cheminement de cette pensée dans le mouvement même de son activité créatrice. À cet effet, il est essentiel de replacer les œuvres étudiées dans leur milieu intellectuel et spirituel, de les interpréter en fonction des habitudes mentales, des préférences et des aversions des auteurs. Il faut résister à la tentation, à laquelle succombent trop d'histoires des sciences, de rendre plus accessible la pensée souvent obscure, malhabile et même confuse des Anciens, en la traduisant en un langage moderne qui la clarifie et en même temps la déforme ».
Alexandre Koyré
Koyré A., Études d'histoire de la pensée scientifique, Gallimard 1973, p. 14.