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Le début des Temps Modernes
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- Écrit par : Hervé Pasqua
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On présente communément Descartes comme le père de la philosophie moderne. Rien n’est moins sûr. En vérité, la philosophie moderne commence avant la Renaissance. On peut faire remonter son origine au-delà de la Renaissance, aux XIVe siècle et XVe siècle. Cette période se caractérise par un foisonnement à la fois confus et incohérent d’idées, de doctrines, de tendances.
~ Sur le plan scientifique, on assiste à un renouvellement de la conception du monde. L’astronomie se constitue avec Copernic (1473-1543), Kepler (1571-163) et Galilée (1564-1642). Elle a progressé grâce à la jonction de l’observation (avec la lunette astronomique) et des mathématiques. Le système de Ptolémée (100 ap. JC - ?) qui faisait de la Terre le centre immobile du monde est renversé. Jusque-là la philosophie avait intégré ce système qui illustrait sa vision du monde. La philosophie des Temps Modernes va se constituer à l’aune de ce nouveau statut de la science et des découvertes récentes.
~ Sur le plan théologique, l’événement capital est la Réforme. Luther (1483-1546) et Calvin (1509-1564) posent le principe du « libre examen » et refusent toute autorité en matière de foi et de morale. Chaque conscience est autonome, l’individualisme se trouve institué et conduit au subjectivisme.
~ Sur le plan philosophique, on assiste à une renaissance du Platonisme à Florence - la nouvelle Athènes - avec Marsile Ficin (1433-1499) et Pic ce la Mirandole (1463-1494) en Italie et avec Lefèvre d’Etaples (1455-1537) en France. On assiste à une renaissance du stoïcisme à Louvain avec Juste Lipse (1547-1606) ; à une renaissance du scepticisme en France avec Montaigne (1563-1592) et à une renaissance du panthéisme en Italie avec Giordano Bruno (1548-1600) et Campanella (1568-1639).
~ La philosophie politique est représentée par Machiavel (1467-1527), dite « réaliste » parce qu’elle attribue au Prince un pouvoir absolu ; en France, La Boétie (1530-1563) attribue le pouvoir absolu du Prince à la volonté d’asservissement du peuple dans son œuvre « La servitude volontaire ». La philosophie du droit est cultivée en Hollande par Hugo Grotius (1583-1645) où l’on trouve la première idée de la souveraineté du peuple et du contrat social. L’anglo-saxon Thomas Hobbes (1588-1679), l’auteur du Léviathan, réalisera une synthèse géniale de tous ces courants.
Conférence : Le début des Temps Modernes Le tournant anthropologique de la civilisation européenne, Jeudi 12 janvier 2023 à 16h, Nice, Centre Universitaire Méditerranéen
Les deux modernités et la reconstruction de la raison
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- Écrit par : Patrick Juignet
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Nous citerons ici le propos de Jacques Bouveresse :
« Si l’on en croit Zeev Sternhell, "l’affrontement permanent qui oppose un ensemble d’idées ancrées dans les principes des Lumières et un corpus idéologique qui se veut une alternative à elles est […] devenu l’une des grandes constantes de notre monde. Cette confrontation peut changer de visage ou de dimension, tel aspect plutôt que tel autre peut se trouver privilégié, mais, depuis la seconde moitié du XVIIe siècle, le rejet des Lumières appartient à notre horizon intellectuel et politique ".
Au lieu de parler, comme on le fait généralement, d’une opposition entre, d’un côté, les Lumières et le rationalisme (qui sont censés représenter la modernité), et, de l’autre, une réaction contre eux (qui est en même temps une réaction contre la modernité et dont l’inspiration est même essentiellement anti-moderne), on pourrait parler sans exagération – et de façon probablement plus pertinente – de la coexistence conflictuelle, qui dure depuis plus de deux siècles, entre deux espèces de modernité qui continuent, aujourd’hui plus que jamais, à s’affronter ». (La reconstruction de la raison : dialogues avec Jacques Bouveresse. Éditions du Collège de France, 2014).
Dans l'immense tourbillon langagier, symbolique, discursif et imagé, baignant la Modernité, tourbillon qui supporte et génère autant qu'il est généré par les relations sociales, les Lumières ont prétendu apporter un peu de clarté, de vérité, de rationalité. Elles n'ont jamais triomphé. La rationalité n'est restée qu'une mince couche à la surface du flot sans cohérence des rumeurs, de l'idéologie, de la religion, de la rhétorique intéressée, des passions individuelles et de la propagande politicienne.
Nombre de philosophes qui ont exercé et continuent, encore aujourd’hui, à exercer une influence comme Nietzsche et Heidegger, sont résolument entrés dans le bain de cette rhétorique irrationnelle et se sont ouvertement déclarés adversaires de la raison. La relativisation de la vérité, l'inutilité de la démonstration, ont aidé le flot discursif à crever la mince digue de rationalité qui tentait de le contenir. Elle tient encore par endroits et certains tentent de la reconstruire.
Les mathématiques ont un sens
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- Écrit par : Patrick Juignet
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Mathématicien, Giuseppe Longo a consacré une grande partie de ses travaux à l’étude des relations entre mathématiques, informatique et physique, et à l’élaboration de concepts théoriques applicables à la biologie.
Il note que les mathématiques sont abstraites, symboliques, rigoureuses, mais que les philosophies formalistes ont réduit ces trois notions différentes et difficiles à une seule : le formalisme. Les mathématiques seraient alors un calcul sur des signes sans signification. Cette réduction a eu des conséquences remarquables. - D'une part, l'abstraction et la rigueur des formalismes ont permis l'invention d'une machine logique de calcul (la machine de Turing) qui a contribué à révolutionner le monde. - D'autre part, la superposition de l'intelligible mathématique sur le mécanisable a contribué à une vision scientiste du monde dépourvue de sens, mais aussi de rigueur.
Elle a notamment façonné une vision mécaniste du vivant, qui contribue à la perturbation de l'écosystème et aux dérives d'une biologie moléculaire dominante aux principes faux ou vagues et aux lourdes conséquences. À la frontière entre mathématiques, logique, informatique, et biologie, Giuseppe Longo défend l'importance du sens dans la pratique des mathématiques.