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- Écrit par : Patrick Juignet
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Au XVIIIe siècle, Giambattista Vico dans sa Scienza nuova (1744) appelait de ses vœux une nouvelle science de l’histoire qui serait notamment une « histoire des idées humaines ». Au siècle suivant, Benedetto Croce en Italie, Wilhelm Dilthey, Max Weber ou Georg Simmel en Allemagne, pratiquaient l’histoire des idées via le dialogue entre l’histoire, la sociologie et la philosophie. Au XXe siècle, le philosophe américain Arthur Lovejoy installait la discipline dans le paysage académique à la fois par ses travaux et par la création en 1940 du Journal of the History of Ideas.
La question de l’histoire des idées est fortement présente dans le champ de l’histoire sous la forme de l'histoire culturelle, de l’histoire des mentalités ou des représentations. Toutes les disciplines, à un moment donné, s'interrogent inévitablement sur leur propre histoire, ce qui donne l’histoire des sciences, de la philosophie, du droit, ou de l’art.
L'histoire des idées vise à reconstituer de manière fidèle les œuvres, dans le langage qui est celui de l’historien, tout en respectant leur langage propre et en se soumettant à la maxime de l’historien britannique Quentin Skinner : « Ne pas attribuer à un auteur d’avoir voulu dire ou faire quelque chose qu’il ne pourrait pas être amené à reconnaître comme une description correcte de ce qu’il a voulu dire ou de ce qu’il a fait ».
On peut aussi comme le propose Robin G. Collingwood mettre au jour des complexes de questions-réponses formant un ensemble et ayant une historicité. Un ensemble donné n'a pas toujours été là, il a surgit à un moment de l'histoire. A quoi s'ajoute la reconstitution du processus de pensée conduisant d'un ensemble à un autre qui s'est fait au fil d'un cheminement.
Ou bien, avec Michel Foucault l'histoire des idées peut s'attacher à « l'histoire de ce qui rend nécessaire une certaine forme de pensée » (Dits et écrits, p. 221).
En ce qui concerne le texte lui-même, la lecture historienne implique le respect de la lettre du texte avec ses particularisme d’époque, des rapprochements avec les autres auteurs de la même époque pour relever les problèmes communs, les différences dans les réponses, les changement et évolutions au fil de l’œuvre. C’est une lecture distante permettant de déceler l’implicite et de relever les présupposés qui font le commun d’une époque. On est à linverse de la systématisation ou de la syntèse didactique prétendant résumer un auteur.
L’histoire des idées a fait l’objet de plusieurs types de critiques.
On lui a reproché de postuler une autonomie des idées ne tenant pas compte des contextes socio-historiques (Mannheim, Idéologie et utopie, 1927). On l’a accusée de détacher les idées de l’action. Michel Foucault, dans L’Archéologie du savoir, note que " Les historiens des sociétés sont censés décrire la manière dont les agents agissent sans penser, et les historiens des idées la manière dont les gens pensent sans agir ». À ces accusations, s’ajoute celle d'un historicisme qui conduirait à un relativisme dévastateur. Ces reproches ne sont pas vraiment justifiés, car ils ne sont pas impliqués directement par la discipline.
Robert Lenoble, dans son Histoire de l'idée de Nature, note une conception que nous partageons : « Nous n'assistons pas au progrès d'une recherche menée sur le même objet : sous les mots de « Nature », de « science », de « lois », on ne voyait pas les mêmes choses, on ne construisait pas le même type de science, on ne cherchait pas les mêmes lois » (Histoire de l'Idée de Nature, Albin Michel, Paris, 1969, p. 29).
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Le documentaire en cinq parties, Moi Sigmund Freud, offre une histoire plaisante et bien racontée qui reprend les données connues de la vie de Sigmund Freud. C'est sérieux, bien fait, ni laudatif, ni péjoratif. Ça fait plaisir de voir qu'on peut sortir des sempiternelles gloses pro ou anti psychanalytiques généralement basées sur des données parcellaires ou mal comprises. Les témoignages renseignent sur la réception et les effets culturels du travail de Freud et de la psychanalyse.
Pour ceux qui voudraient n'écouter qu'une seule émission, je recommande la seconde, intitulée Le Conquistador, qui retrace le début des travaux de Freud, débuts décisifs, indispensables à connaître pour comprendre son travail. L'ambiance particulière de la Vienne fin de siècle, bien décrite par Stefan Zweig dans Le monde d'hier, est un peu passée sous silence. Elle a nécessairement joué un rôle dans la formation initiale de Freud. On regrettera le ton dogmatique d'Elisabeth Roudinesco, ton peu compatible avec la prudence qui devrait être celle de l'historien et du psychanalyste par rapport à des événements qui ne peuvent qu'être reconstitués.
En juin 1873, Sigmund a obtenu son baccalauréat pour lequel il a dû traduire un passage de la tragédie de Sophocle : Œdipe Roi, et, en philosophie, disserter sur le thème "Servir l'humanité". Incertain quant à la direction qu’il doit prendre, tiraillé entre les sciences et les humanités, il étudie la médecine et se cherche un chemin.
En 1886, une bourse lui permet d'aller à Paris dans le service du célèbre neurologue Martin Charcot. Il en résultera un travail sur les paralysies hystériques qui marquera un tournant décisif pour son cheminement intellectuel et la fondation de la psychanalyse.
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L'œuvre anthropologique de Françoise Héritier est conséquente et pas toujours facile d'accès, aussi une introduction peut-elle être utile. C'est ce que permet le dialogue entre Emmanuel Terray, Marc Augé et Caroline Broué.
Françoise Héritier a produit des résultats originaux dans quatre domaines de la recherche anthropologique : les systèmes de parenté, les interdits sexuels, la place du corps et, enfin, la différence des sexes.
Son travail a porté sur les systèmes de parentés "semi-complexes", ceux ne comportant pas de prescription de mariage, mais seulement des interdits. Elle a montré que, tout en respectant les interdits, le choix du conjoint se fait généralement au plus près du lien de parenté.
Concernant les interdits incestueux, elle a mis en évidence l'existence d'interdits indirects liés aux humeurs corporelles. Dans ces interdits, les proches ne peuvent avoir le même partenaire sexuel du fait du risque de mélange des fluides corporels jugé inacceptable.
Elle a aussi montré que le corps est le premier objet de réflexion humaine (plus précisément la vie biologique avec ses temps de procréation, naissance, maladie et la mort) et que la perception sensible fournit les catégories qui permettent de penser.
Sur la différence des sexes, elle a mis en évidence la hiérarchie retrouvée partout, hiérarchie qui dévalorise le féminin, ce qu'elle appelle la "valence différentielle des sexes".
Une révolution anthropologique
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Pour Jean-Pierre Castel, « on ne peut mathématiser le monde que lorsqu’on a identifié les bons concepts physiques, l’outil mathématique n’intervenant qu’après coup, en vue de leur formalisation et de la description de leurs relations ».
Comme argument à sa thèse, il se centre sur les problèmes de l'inertie et du temps. « Depuis l’époque hellénistique, la mathématisation de la physique est en marche, mais la théorisation du mouvement est restée en panne ; c’est la découverte du principe d’inertie comme principe proprement physique, au XVIIᵉ siècle, qui a permis de débloquer la situation ». Prendre le temps comme variable physique permit à Galilée de mathématiser le temps.
L’étrange efficacité des mathématiques peut ainsi trouver une explication. Ce qui conditionne la réussite de l’application des mathématiques, ce sont les concepts physiques.
Plutôt que mathématisation de la nature, n’est-ce pas plutôt celle de la physique comme connaissance applicable au monde dont il s’agit ? La physique produit une couche de concepts mathématisables applicables au monde. Elle sert d’intermédiaire en opérant une simplification empirique interprétée conceptuellement qui habilite l'application du formalisme logico-mathématique.
Indépendamment de ce que les auteurs eux-mêmes en disent, puisque certains sont attirés par un idéalisme de type platonicien (supposant une ontologie mathématique), on peut avancer que les changements fondamentaux dans la connaissance du monde tiennent, d'abord et avant tout, à l'invention de concepts physiques.
Voir l'article : La science moderne : une révolution physique qui permit la mathématisation du temps.