Actualités philosophiques, scientifiques et sociétales
Karl Bühler : une théorie du langage
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- Écrit par : Patrick Juignet
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Karl Bühler (1879-1963) est un psychologue et théoricien du langage allemand qui fut membre actif de l'« École de Wurzbourg », puis directeur de l'Institut de psychologie de Vienne.
Depuis sa parution en 1934, le livre de Karl Bühler, Théorie du langage La fonction représentationnelle, a été l’objet de nombreuses rééditions en allemand, ainsi que de traductions dans plusieurs langues. Il est considéré comme un classique de l’histoire de la linguistique au 20ᵉ siècle.
Karl Bühler considérait la pensée et le langage comme étroitement interconnectées. Pour Bühler, le langage sert pour la communication, mais aussi pour organiser la pensée. Il le voyait comme le médium à travers lequel les concepts et les idées prennent forme. Il a développé le concept de « fonction symbolique » du langage, soulignant que les mots servent de symboles pour les choses et les concepts.
Bühler a été dans les années 1970 considéré comme précurseur du tournant sémiotique de la linguistique et, depuis 1980, on le voit également comme un initiateur de la pragmatique.
Dans une conférence du mardi 9 avril 2024, Janette Friedrich a proposé une reconstruction de la Sprachtheorie qui s’éloigne de ces interprétations et reste très proche de ce que Bühler a annoncé comme l'idée centrale de son livre, à savoir le rôle du concept de « champ » pour la compréhension des phénomènes langagiers.
Anomie et violence
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- Écrit par : Patrick Juignet
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La notion d'anomie, utilisée par le sociologue Émile Durkheim, désigne la situation qui survient lorsque les règles sociales sont incompatibles entre elles ou qu'elles sont minées par les changements économiques et idéologiques en cours.
Dans son ouvrage De la division du travail social et le Suicide, Émile Durkheim considère l'anomie comme une pathologie sociale. Cette idée de pathologie sociale est intéressante ; elle contraste avec le relativisme que l'on a vu se développer ensuite en sociologie. Le terme de pathologie note quelque chose de défavorable, qui produit une souffrance individuelle et un dysfonctionnement collectif. Autrement dit fonctionnement et dysfonctionnement social ne sont pas considérés comme équivalents, même si Durkheim revendique une neutralité axiologique pour la sociologie.
Lorsque les sociétés évoluent, le changement provoque des troubles. La souffrance anomique vient de l'absence de règles communément admises, si bien que les liens qui rattachent l’individu à la société se désagrègent. Durkheim voit comme cause d'anomie, à la fin du XIXe siècle, un développement techno-économique trop rapide pour que la société s'adapte.
Au XXIe siècle, avec la mondialisation, l'économisme ambiant, on assiste à un changement du type décrit par Durkheim. On constate en même temps un brouillage idéologique, un changement des mœurs et un recul de certaines valeurs. L'ensemble conduit à une relative déstabilisation de l'ordre en cours : les lois et les règles en cours, le système politique, ne semblent plus garantir la régulation sociale. On peut aussi noter qu'au vide idéologique, symptôme de la post-modernité, a succédé une idéologie de la tolérance excessive, du pas de vague, de la valorisation des particularismes et des communautarismes et une perte d'autorité de l'État.
Il s'ensuit un brouillage des repères. Le monde politique et administratif, après des dizaines d'années de déni, de brouillage sémantique, parait en prendre conscience en 2024. Il aura fallu pour cela l'assassinat de professeurs et d'élèves, des atteintes répétées à la laïcité et à la liberté académique. Il aura fallu que les minorités délinquantes, qui utilisent la menace et la terreur pour s'imposer, le fassent de façon trop voyante. Une réaction politique se produit. Le risque est qu'elle soit réactionnaire et simpliste.
Le philosophe doit s’abstenir de prises de positions politiques, mais il doit indiquer les valeurs dont procèdent les options politiques. Si l’on adopte une éthique humaniste, il en découle l'affirmation de la liberté d’expression, de la liberté de penser et la prohibition de la violence. Ce qui impose l'affirmation collective d’une république démocratique et laïque.
Le réductionnisme en psychiatrie
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- Écrit par : Patrick Juignet
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Le motif principal du réductionnisme en psychiatrie vient de l’impossibilité de penser de manière rationnelle l’esprit, ou le psychisme, ou le mental, etc, quelle que soit l’appellation. En conséquence, on ne s’occupera que des dysfonctionnements neurobiologiques et le reste sera considéré comme secondaire. Cette approche se concentre sur le cerveau et ses processus biochimiques pour comprendre et traiter les conduites pathologiques et maladies mentales.
S’il était exact, ce motif serait justifié !
Le matérialisme scientifique, soutient que tous les phénomènes, y compris la conscience et les troubles mentaux, peuvent être expliqués par des processus physiques et chimiques. Selon cette vue, comprendre le cerveau au niveau moléculaire et génétique serait suffisant pour expliquer tous les aspects de la santé mentale.
Accessoirement, le modèle réductionniste semble cadrer avec l'approche médicale traditionnelle des maladies, où la cause biologique est identifiée puis traitée spécifiquement. Mais ceci est une illusion, car dans la médecine organique la chaine causale entre la lésion et le symptôme est démontrée, ce qui n'est pas le cas en psychopathologie dans de nombreuses circonstances.
A contrario, on peut montrer l’existence d’un niveau cognitif et représentationnel chez l’Homme de manière rationnelle et argumentée. Et, sans faire appel à l’esprit, ni à une quelconque substance immatérielle !
Voir l'article : Ontologie du cognitif
La confusion sémantique, arme idéologique
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- Écrit par : Patrick Juignet
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Idéologie n’est pas philosophie. L'idéologie opère, entre autres, par la corruption du langage. Nathalie Heinich note qu’elle opère par « entrisme sémantique, grâce auquel des mots à la connotation éminemment progressiste sont détournés vers des causes qui le sont beaucoup moins ».
Comme l’écrit Samuel Fitoussi, « la confusion sémantique – celle que dénonçait Orwell en 1946 – permet à des idées régressives, empaquetées dans des mots positivement connotés, de se déguiser en combats apolitiques et universels, de gagner du terrain grâce aux idiots utiles bien intentionnés. Et au wokisme de s’institutionnaliser, jusqu’à se confondre avec la neutralité » (S. Fitoussi, Woke fiction. Comment l’idéologie change nos films et nos séries, Le Cherche-Midi, 2023, p. 322).
Par exemple, Nathalie Heinich indique qu’il faut se méfier désormais du mot diversité, « car au-delà de sa connotation sympathique, ouverte, accueillante, il signifie de fait l’imposition d’une vision communautariste de la citoyenneté, où les individus doivent être traités en tant que membres d’une « communauté » et non pas comme membres d’une nation, voire de la commune humanité ».
Fait suite, dans son article « L’entrisme sémantique du wokisme », l’analyse fine d’une liste des mots détournés de leur signification à des fins idéologiques.
Heinich, Nathalie. L’entrisme sémantique du wokisme. 2023. Télos. https://www.telos-eu.com/fr/societe/culture/lentrisme-semantique-du-wokisme.html