Actualités philosophiques, scientifiques et sociétales
La biologisation de la psychiatrie
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- Écrit par : Patrick Juignet
Une nouvelle approche en psychiatrie se développe, dénommée Research Domain Criteria. Elle repose sur le présupposé selon lequel les maladies mentales seraient des maladies du cerveau. Cette thèse réductionniste ramène la psychiatrie à une neuroscience. Les RDoC sont en principe compatibles avec le pluralisme explicatif. Cependant, le point de vue réductionniste domine et les recherches se cantonnent aux explications biologiques.
C'est ce que note Élodie Gratreau dans ses travaux sur les enjeux épistémologiques du projet des Research Domain Criteria (1)
Le présupposé réductionniste est double, d’une part ontologique, et d’autre part explicatif, le premier entraînant le second. Des auteurs ont critiqué comme une erreur logique le passage du réductionnisme ontologique réductionnisme explicatif. Il n'y a pas vraiment d'erreur de raisonnement, car le réductionnisme implique une clôture causale du domaine considéré. Il ne peut donc y avoir d'autres types de causes prises en compte par d'autres disciplines.
Le véritable problème vient du déni de l’existence d’un niveau psycho-cognitif chez Homme pouvant jouer un rôle dans les troubles mentaux. Si le support neurobiologique est d’évidence nécessaire, il n'est pas démontré à ce jour qu'il soit suffisant pour expliquer les conduites humaines. L'existence d'un niveau psycho-cognitif et représentationnel est plus probable que l'hypothèse inverse (2).
Eugenio Coseriu, au delà du structuralisme
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- Écrit par : Patrick Juignet
Eugenio Coseriu (1921-2002) est considéré comme l’un des plus importants linguistes de la seconde moitié du XXe siècle. Il est principalement connu en tant que structuraliste et linguiste roman, mais son œuvre est beaucoup plus vaste, comprenant une théorie linguistique complète ainsi que des écrits sur un large éventail de questions, allant de la sémantique, de la syntaxe, de la typologie, de la linguistique variationnelle, du changement de langue, de la pragmatique et de la linguistique textuelle au latin vulgaire, à l’histoire de la philosophie du langage et à l’histoire de la linguistique romane.
Cet auteur donne une priorité absolue du langage. Le langage ne doit être rapporté à une autre faculté (entendement, pratique ou artistique). Par le langage l’homme se construit un monde approprié. La logique est postérieure au langage, et donc on ne peut pas construire de sémantique formelle, fondée sur la logique à partir de laquelle on pourrait déduire le langage. Coserius (influencé en cela par Hegel et l'idéalisme Allemand) insiste sur le fait que l’on parle toujours une langue particulière, ce qui s’oppose à l’universalisme linguistique.
La pensée de Coserius est fondée sur des principes philosophiques solides. Il a aussi bénéficié de cultures académiques diversifiées. Son œuvre nous est présentée par Johannes Kabatek dans un livre rédigé en anglais et intitulé : Eugenio Coseriu. Beyond Structuralism. C'est la première monographie complète sur Eugenio Coseriu. Son objectif est de servir d'introduction à l'ensemble de son œuvre et de sa pensée.
Kabatek J., Eugenio Coseriu. Beyond Structuralism. Berlin, De Gruyter, 2023.
Doutes sur la science
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- Écrit par : Patrick Juignet
Les platistes, les complotistes, les anti-vac, les trolls en tous genres, se déchainent pour asséner leurs absurdités et vilipender la science. Mais ils ne sont pas les seuls. La philosophie postmoderne a assimilé les sciences aux autres discours. Elle produirait des opinions sans spécificité et les controverses seraient de simples polémiques (des débats non contraints par les faits et par des règles de raisonnement). Sont venues s'ajouter des idéologies identitaires, anti-universalistes, mettant en cause la science et la rationalité.
La science fait le lien entre la volonté de savoir et une manière de connaître efficace. Cette association est devenue possible à partir du XVIIe siècle. Un processus collectif s’est engagé les siècles suivants, si bien que la science est sortie de la marginalité. Sa prise en charge sociale a permis d'avoir des institutions qui veillent sur les garanties exigibles pour la connaissance qui se prétend scientifique.
Les raisons du soutien politique à la science sont étrangères à celle-ci. Le développement scientifique et technique constitue le principal moteur économique et la clé de la puissance militaire des sociétés, depuis le XIXe siècle. C'est pourquoi les États et les grands acteurs économiques soutiennent son développement et cherchent à l'influencer. De la sorte, une partie de la recherche s'oriente vers la technoscience. Il se crée ainsi un domaine mixte dans lequel connaissances scientifiques et techniques sont étroitement imbriquées.
Technoscience et recherche appliquée aboutissent à des techniques exploitables industriellement qui ont des effets sociaux et environnementaux massifs. Ils ne vont pas toujours dans le sens du bien commun, car leur utilisation dépend de la rivalité entre États. Cela ne doit pas faire prendre de vue l’essentiel ! La science est d’abord un processus de connaissance de l’Univers tel qu’il est.
Voir l'article : Qu'est-ce que la science ?