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- Écrit par : Patrick Juignet
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Idéologie n’est pas philosophie. L'idéologie opère, entre autres, par la corruption du langage. Nathalie Heinich note qu’elle opère par « entrisme sémantique, grâce auquel des mots à la connotation éminemment progressiste sont détournés vers des causes qui le sont beaucoup moins ».
Comme l’écrit Samuel Fitoussi, « la confusion sémantique – celle que dénonçait Orwell en 1946 – permet à des idées régressives, empaquetées dans des mots positivement connotés, de se déguiser en combats apolitiques et universels, de gagner du terrain grâce aux idiots utiles bien intentionnés. Et au wokisme de s’institutionnaliser, jusqu’à se confondre avec la neutralité » (S. Fitoussi, Woke fiction. Comment l’idéologie change nos films et nos séries, Le Cherche-Midi, 2023, p. 322).
Par exemple, Nathalie Heinich indique qu’il faut se méfier désormais du mot diversité, « car au-delà de sa connotation sympathique, ouverte, accueillante, il signifie de fait l’imposition d’une vision communautariste de la citoyenneté, où les individus doivent être traités en tant que membres d’une « communauté » et non pas comme membres d’une nation, voire de la commune humanité ».
Fait suite, dans son article « L’entrisme sémantique du wokisme », l’analyse fine d’une liste des mots détournés de leur signification à des fins idéologiques.
Heinich, Nathalie. L’entrisme sémantique du wokisme. 2023.Télos. https://www.telos-eu.com/fr/societe/culture/lentrisme-semantique-du-wokisme.html
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- Écrit par : Patrick Juignet
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Occupant une place éminente dans le panthéon contemporain des sciences sociales, Max Weber ne cesse de faire l’objet d’appropriations contradictoires qui tendent à
décontextualiser ses recherches. L'ouvrage intitulé Qu'est-ce que les sciences de la culture ? offre la traduction de son premier texte épistémologique, inédit en français, accompagnée de documents et de correspondances, et permet ainsi de replacer la réflexion de Weber dans les débats de son temps. Cet article publié en plusieurs parties entre 1903 et 1906, exactement contemporain de L’Éthique protestante et l’esprit du capitalisme, montre comment un sujet qui pourrait sembler uniquement technique – la méthode spécifique des sciences de la culture – est indissociable d’enjeux académiques et politiques beaucoup plus larges.
Loin d’être simplement un partisan d’une sociologie « compréhensive » opposée à l’« explication », Weber fait de la compréhension des motivations des agents sociaux une modalité de l’explication causale. Surtout, à travers sa promotion de l’expression « sciences de la culture » (Kulturwissenschaften), il ne se contente pas de garantir une spécificité à ces sciences : il se saisit d’une question toujours très brûlante, celle de la « signification culturelle » du capitalisme, c’est-à-dire de la transformation de l’homme par le mode de fonctionnement de l’économie.
Conférence : Max Weber sur le champ de bataille des sciences de la culture par Wolf Feuerhahn
Le mardi 11 juin, 18h - 19h15
En ligne, lien accessible à tous :
https://zoom.us/j/91499905360?pwd=VC9VM0tzQm1xMEFNcHdELytSQ0I3UT09
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La prise de conscience de l’importance de l’ignorance en sciences a mené à la prolifération d’études dans les années 1990 et au cours de la dernière décennie. De nombreuses approches, de l’ignorance scientifique, ont été développées en sciences humaines et sociales, et ont toutes pour point commun la concentration sur ses sources et ses implications, qu’elles soient scientifiques, sociales ou politiques.
Si nous voulons comprendre ce qu’est l’ignorance ainsi que l’influence qu’elle peut avoir — notamment dans la recherche scientifique — il est nécessaire, dans un premier temps, de définir le concept même d’ignorance. Depuis les années 2010, certains chercheurs en épistémologie œuvrent à pallier cette limite en étudiant les conditions nécessaires et suffisantes de l’ignorance.
Une conception comme la Standard View, illustrée par Le Morvan voit dans l’ignorance un défaut ou une absence de savoir. En opposition, certains s’efforcent de promouvoir ce qu’il appelle une « nouvelle vision » selon laquelle l’ignorance équivaut à l’absence de croyance appropriée. Ce terme de la philosophie analytique ne correspond pas au français, langue dans laquelle la croyance est une opinion sans démonstration. Quant à la vérité, elle se décline différemment selon le domaine considéré. Ces conceptions sont limitées par leur inféodation à une doctrine particulière qui se réfère à l’ignorance propositionnelle (à propos de la valeur de vérité d’une proposition).
Au plus simple, on peut définir l’ignorance comme l’absence de savoir. Les sciences sont portées par les institutions universitaires. Dans ce cas, on peut circonscrire le problème à l’absence d’un savoir nécessairement existant et jugé utile dans un domaine scientifique donné. La raison principale de l’ignorance est l’absence de transmission du savoir via l’institution. S’interroger sur l’absence de transmission d’un savoir inexistant est absurde et sur l’absence de transmission d’un savoir inutile et périmé est de peu d’intérêt. Par contre, il est intéressant de comprendre pourquoi certains pans du savoir, pourtant utiles, tombent dans l’oubli.
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- Écrit par : Patrick Juignet
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Une nouvelle approche en psychiatrie se développe, dénommée Research Domain Criteria. Elle repose sur le présupposé selon lequel les maladies mentales seraient des maladies du cerveau. Cette thèse réductionniste ramène la psychiatrie à une neuroscience. Les RDoC sont en principe compatibles avec le pluralisme explicatif. Cependant, le point de vue réductionniste domine et les recherches se cantonnent aux explications biologiques.
C'est ce que note Élodie Gratreau dans ses travaux sur les enjeux épistémologiques du projet des Research Domain Criteria (1)
Le présupposé réductionniste est double, d’une part ontologique, et d’autre part explicatif, le premier entraînant le second. Des auteurs ont critiqué comme une erreur logique le passage du réductionnisme ontologique réductionnisme explicatif. Il n'y a pas vraiment d'erreur de raisonnement, car le réductionnisme implique une clôture causale du domaine considéré. Il ne peut donc y avoir d'autres types de causes prises en compte par d'autres disciplines.
Le véritable problème vient du déni de l’existence d’un niveau psycho-cognitif chez Homme pouvant jouer un rôle dans les troubles mentaux. Si le support neurobiologique est d’évidence nécessaire, il n'est pas démontré à ce jour qu'il soit suffisant pour expliquer les conduites humaines. L'existence d'un niveau psycho-cognitif et représentationnel est plus probable que l'hypothèse inverse (2).