Revue philosophique

Covid 19

« C’est grâce à la science et à la médecine que nous vaincrons le virus »,

a écrit sur tweeter Emmanuel Macron, le 24 mars, découvrant tardivement la vertu de ces disciplines malmenées par son gouvernement, mais aussi par les précédents, ne l'oublions pas. C'est une conséquence de l'idéologie ambiante.

Après les difficultés du système de santé, maintenant qu’on en est au stade de la recherche de remèdes (médicaments, vaccins contre le Covid-19), les difficultés de l’institution scientifique apparaissent. La recherche fondamentale de long terme mobilisable et utile dans cette crise est en pénurie, elle-aussi, depuis longtemps.

La science pâtit d’une incompréhension sociale et politique de son statut. Depuis bien des années, il y a un déficit de formation des citoyens, du personnel politique et d’une partie des intellectuels au sujet de la science. Elle est assimilée à l’opinion des savants, à laquelle on pourra opposer l’opinion commune ou celle des politiques (par exemple, le climatoscepticisme).

La science n’a pas d’opinion, c’est une forme de connaissance qui a des exigences de méthode pour s'adapter au mieux à la réalité. Le qualificatif de "scientifique" a trait à la qualité de la connaissance. Pour le mériter, une connaissance doit répondre à des critères de rigueur, d'objectivité, de véracité et d'universalité. La science vise à constituer un savoir efficace et, pour atteindre ce but, elle se soumet à des contraintes spéciales, difficiles à mettre en œuvre.

La recherche scientifique a une temporalité et un déroulement qui sont assez peu maîtrisables. Ce qu’il faut, pour trouver dans le domaine scientifique, c’est une intensification des moyens d’ensemble à long terme, car les découvertes sont le fruit d’une avancée collective globale qui permet, à certains, d'inventer du nouveau ou de produire une connaissance appliquée répondant à une demande sociale.

Le projet de loi en cours (fourni le 23 septembre 2019) veut imposer « le déploiement d’une […] culture du management et de l’évaluation », une concurrence et une évaluation sur des critères de productivité, façon de faire qui a peu de chances d'être efficace et qui répond, comme la plupart des décisions politiques contemporaines, aux principes de l'idéologie néolibérale.

Depuis que l’épidémie de Covid-19 a provoqué une crise sanitaire, Emmanuel Macron a répété à plusieurs reprises qu’il veillerait dorénavant à donner les moyens adaptés à l'action de l’État. Une conversion surprenante : dans le passé, il a toujours défendu des positions néolibérales, très critiques, à l’encontre de l’État-providence. Mais, il assure qu’il ne sera pas prisonnier de ces croyances idéologiques.

« Ce que révèle d’ores et déjà cette pandémie, c’est que la santé gratuite sans condition de revenu, de parcours ou de profession, [pour] notre État-providence, ne sont pas des coûts ou des charges, mais des biens précieux, des atouts indispensables quand le destin frappe […]. Il est des biens et des services qui doivent être placés en-dehors des lois du marché. » (Allocution au pays le 12 mars 2020)

Oui, en effet, il est des biens et des services qui doivent être placés en dehors des lois du marché. Sur le plan civilisationnel, cela correspond au caractère sacré de certains aspects de la vie humaine et sociale. Pour une vie humaine décente, ils doivent être respectés sans conditions (financières ou autres). La protestation récurrente des soignants ces dernières années ne concerne pas seulement le manque de moyen, mais aussi la perte de sens de leur action, poussés qu'ils ont été à faire du chiffre. On peut l'interpréter comme la dégradation du sacré présent dans le domaine de la santé, qui concerne la vie et la mort, le lien humain ; ce dont ne tient aucun compte l'idéologie managériale. Et, plus prosaïquement, le lier à la perte du pouvoir de décision des médecins et soignants, au profit d'une administration sans contact avec les nécessités du soin.

Nous sommes là dans des faits de circonstance, mais qui correspondent à une préoccupation permanente de Philosophie, science et société, qui est de repérer le poids de l’idéologie dans la culture et dans la politique. Depuis les années 1980, l’idéologie néolibérale domine largement la plupart des décisions politiques.

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