Ferhat Teylan propose de relire une séquence précise de l’épistémologie historique en France, celle qui va de Meyerson à Foucault, en prenant pour fil directeur l’articulation entre concepts et mentalités au sens large. En effet, dès ses premières élaborations, l’épistémologie historique vise à éclairer non seulement l’émergence des concepts scientifiques, mais aussi des « mentalités » ou des « rationalités » plus larges qui les rendent possibles.

La question de savoir si ces rationalités doivent être étudiées à l’intérieur d’une logique exclusivement scientifique où les concepts ont leur propre normativité (comme le soutiennent Cavaillès et Bachelard), ou, au contraire, comme étant des modes de raisonnement, ou « ontologies », irréductibles aux seules sciences dans lesquelles émergent les concepts (ainsi que Meyerson, Metzger, et plus tard – d’une manière distincte – Foucault l’affirment), constitue une ligne de clivage dont cet ouvrage propose de mesurer la portée.

Inscrire Foucault dans ce débat, en indiquant les déplacements qu’il propose, permet de comprendre aussi la manière dont il hérite de la problématique de Canguilhem d’articulation des concepts biologiques aux rationalités politiques.

L'enquête de Ferhat Teylan ne conduit ni au relativisme, ni à renoncer à la connaissance scientifique, mais à une meilleure compréhension de la manière dont elle forme ses concepts. Elle permet aussi de préciser le domaine de l'épistémologie historique, par rapport à ses voisins : la philosophie des sciences, la sociologie des sciences et l'histoire des idées.

 

Taylan F., Concepts et rationalités. Héritages de l'épistémologie historique, de Meyerson à Foucault, Paris, Éditions Matériologiques, 2018.