Revue philosophique

Le terme de « vérité » qualifie une affirmation à laquelle on accorde un crédit. La question du vrai se pose différemment selon les circonstances : elle n’est pas la même au quotidien, dans le domaine politique et religieux, pour le savoir philosophique ou la connaissance scientifique.

Au quotidien, une proposition concernant un fait concret peut, grâce à l’expérience concrète, être déclarée vraie ou fausse. Il suffit de constater le fait allégué pour juger de la vérité de l'allégation. Une proposition psychologique est moins facilement vérifiable, mais, par un effort d’analyse réflexive, on peut se rapprocher du vrai. Le vrai est l'adéquation aux faits. Le mensonge nie ou travestit les faits.

Dans le domaine politique, la vérité ou parrêsia concerne le discours public. Ce « dire vrai » s'oppose au dogme idéologique ou au discours mensonger. Dans ce cas, le jugement sur la vérité ou la fausseté du discours demande un savoir suffisant sur ce qui est affirmé et la détection des ruses rhétoriques du locuteur. Là aussi, le mensonge nie ou travestit les faits, mais sa détection est plus difficile.

Dans le domaine des savoirs complexes et abstraits, la vérité a d’autres conditions. Deux conceptions s’opposent :

  • Certains la considèrent comme l’adéquation de la pensée à l’Intellect universel (les idéalités platoniciennes) ou l'Intellect divin (conception scolastique). Les Idées seraient autonomes-immanentes, toujours déjà-là et se dévoileraient par la pensée. La vérité n'a pas d'histoire et s'obtient par accès aux Idées éternelles. Cette définition est métaphysique.
  • D'autres considèrent que la vérité est une adéquation entre la pensée et le Monde obtenue par une démonstration qui se fait sur le plan théorique et s’appuie sur un savoir empirique valide. En ce sens, la vérité est partageable par tout humain possédant les capacités intellectuelles et le savoir suffisants. La philosophie tend vers la Vérité, mais c'est une vérité d'adéquation, jamais une vérité d'autorité, de convention, de croyance ou de norme. C'est une imposture que de prétendre imposer le vrai.

Il existe des cas particuliers. Certaines propositions sont inaccessibles à la vérification, parce que leur sens est flou, paradoxal, ou qu'elles participent d'une dimension fictive ou métaphysique. « L'actuel roi de France est chauve », exemple donné par Bertrand Russell, n’est ni vrai ni faux, car l'actuel roi de France n'existe pas, si bien que l'énoncé ne peut être validé. Il en est de même des croyances religieuses et idéologiques. Les donner pour vraies est une imposture, elles ne sont pas du domaine du vérifiable (voir alètheia).

Entrer dans le domaine du vérifiable est crucial pour la science et la philosophie, car une proposition invérifiable peut être remplacée indifféremment par toute autre ; elle rentre dans la catégorie des fictions ou des opinions. Par contraste, la possibilité de sa démonstration rend la proposition partageable par tous (universalisable) et éventuellement contestable, comme fausse ou insuffisante.

Dans les sciences, la vérité demande des conditions démonstratives strictes : théoriques (rationalité, formalisme), empiriques (utilisation d'une méthode empirique appropriée) et l’inscription du problème dans un paradigme épistémique admissible. Même avec ces conditions drastiques, la relativité eu égard aux possibilités de la connaissance tend à faire parler de vérisimilitude plutôt que de vérité.

La vérité se montre empiriquement, ou se démontre rationnellement, elle ne s’impose, ni ne se révèle, ni ne se dévoile.