Revue philosophique

Le commun chez Descartes

 

L'indépendance d'esprit bien connue de René Descartes donne à penser que l'idée de communauté lui serait étrangère. Pourtant, le sens commun, la possibilité d'un langage commun (la mathématique) et la sensorialité commune aux Hommes (les cinq sens) jouent un rôle important dans sa réflexion. Par ailleurs, l’intersubjectivité dans laquelle chacun peut se reconnaître en autrui est cruciale pour Descartes. Un monde commun est possible pour lui.

 

Pour citer cet article :

Mehyaoui Selma. Le commun chez Descartes. Philosophie, science et société. https://philosciences.com/512-descartes-commun.

 

Plan :


  • Introduction
  • 1. Bon sens et sens commun
  • 2. Vers un monde en commun ?
  • Conclusion

 

Texte intégral :

« Pour moi, je n’ai jamais présumé que mon esprit fût en rien plus parfait que ceux du commun ».
René Descartes, Discours de la méthode (1637).

Introduction

Dans un de ses ouvrages, Pierre Guenancia insiste sur l’esprit d'indépendance forcené de René Descartes, ainsi que sur la valorisation de l'individu à l'œuvre dans sa philosophie. Dans Descartes et l’ordre politique, l’auteur explique que

« pour Descartes, la principale utilité de la science, et avec elle de la philosophie, est de donner aux hommes les moyens de se déterminer par eux-mêmes et d’échapper aussi bien à l’autorité des maîtres de toutes sortes qu’aux habitudes consignées par la tradition » 1.

Dans un XVIIe siècle ponctué de déchirements encore sanglants entre catholiques et protestants, la tentation de comprendre le commun comme la donnée d'une communauté était grande. À chacun sa communauté, à chacun son « commun ». Si l'on s'enferme dans cette intelligence du problème, alors nul doute que naisse chez Descartes une défiance vis-à-vis d’un commun intrinsèquement antinomique, devenant sa propre antithèse, car normatif et restreint à un groupe, à une communauté, elle-même opposée à une autre. Un tel « commun », dont notre propos consiste ici à avancer que Descartes le rejetterait, serait un commun pensé non pas au titre de l'idée de communauté (en tant que généricité ultime, la communauté des Hommes) mais à celui de telle ou telle communauté particulière - il s'agirait alors d'un commun proprement communautariste.

Installé en Hollande pour fuir l’oppressante et si bavarde vie parisienne, solitaire et libre, individualiste avant l’heure à certains égards, Descartes aura suivi une trajectoire qui n’a, de fait, rien de commun 2 : au contraire, elle exalte une certaine idée de la liberté et de l’éclat - un éclat tout paradoxal, puisque c’est dans l’isolement et au prix, parfois, d’une certaine prudence 3, que Descartes se donnera les moyens de lui fournir son combustible intellectuel.

Résolument libre, éclectique, solitaire donc, préférant l’exil spontané aux mondanités parisiennes, encodant une sociabilité à géométrie variable bien que toujours courtois en bon gentilhomme, maître de ses relations par l’exercice habile de l’échange épistolaire, Descartes a encodé son  œuvre au travers d’une trajectoire proprement hors du commun.

Nous allons chercher chez René Descartes, qui est l'une des figures fondatrices de l'individualisme moderne, la place du commun - commun dont il semblerait, donc, de prime abord, que tout l'en sépare.

1. Bon sens et sens commun

Une acception contemporaine du terme de « sens commun » est celle de « bon sens ». Chez Descartes l'idée de bon sens est fondamentale : d’abord parce que ce bon sens est partagé par tous, ensuite parce qu’il peut être sublimé en un langage en commun (songeons à la mathématique), enfin parce qu’il y a une sensorialité commune, qui est un moyen d’accès aux phénomènes, qui fonde son universalité.

1.1 Le bon sens.

Le bon sens en commun

Descartes utilise le terme de « sens commun » 4 dans sa sixième méditation pour parler d’une faculté qui diffère du « bon sens », en ce qu’elle est plus volontiers identifiable à ce que nos contemporains appelleraient la conscience phénoménale. Cet usage, précis et univoque, est confirmé par bien d'autres occurrences du terme dans le corpus cartésien. Nous parlerons donc ici du bon sens, plutôt que de ce « sens commun » au sens très technique et spécifique. Citons la phrase d’attaque du Discours de la méthode (1637) :

« Le bon sens est la chose du monde la mieux partagée : car chacun pense en être si bien pourvu, que ceux mêmes qui sont les plus difficiles à contenter en toute autre chose n’ont point coutume d’en désirer plus qu’ils en ont » 5.

Descartes l’affirme à nouveau plus loin,

« la puissance de bien juger et distinguer le vrai d’avec le faux, qui est proprement ce qu’on nomme le bon sens ou la raison, est naturellement égale en tous les hommes » 6.

Ce bon sens donné à tous, Descartes n’en est ni exempt, ni mieux doté qu’un autre. Il le rappelle dans le second alinéa :

« Pour moi, je n’ai jamais présumé que mon esprit fût en rien plus parfait que ceux du commun » 7.

Comme le relève Samuel de Sacy dans son ouvrage Descartes par lui-même (1956), l'expression « Pour moi, je … », signe « le chevalier sur la route de son aventure personnelle » 8. C’est là tout le paradoxe de Descartes. Il s’autorise une énonciation résolument singulière, retranchée dans la subjectivité, en même temps qu'il évoque la communauté d'esprit permettant une énonciation universelle. L’idée de commun cohabite donc avec l’affirmation d’une singularité, laquelle fonde une subjectivité qui est la seule assise première du sujet raisonnable.

Nous pouvons tenter d'énoncer le chemin qui mène à ce paradoxe ainsi : retranchement intérieur, élimination par le doute, jusqu’à ce que le sujet s’épuise à fleur de cogito sur le noyau de son être. Seule une évidence subsiste, apodictique et impérieuse 9, dans cette réduction au cogito par le cogito : je pense, donc je suis - cogito ergo sum. Si je suis, c’est donc d’une façon singulière que j’accède à l’être. D’une façon éminemment subjective. Alors, le sum invite le esse, car il en est la donnée conjuguée, infléchie au présent et assortie au seul ego 10.

Chez Descartes, la métaphysique chrétienne s'invite au débat sur le sens commun. Pour le croyant qu'il est, la donnée de cet esse, de cet être, est aussi la donnée de Dieu, d’un Dieu qui ne saurait nous tromper ni nous leurrer perpétuellement. C’est alors un Dieu donnant un monde en commun, un universel partagé, que ce détour par une subjectivité individualisée invite.

Le bon sens comme opinion commune

Le bon sens, commun aux hommes, est posé comme postulat fondateur de sa méthode réflexive de Descartes. Il suppose un sens commun, dans l'acception contemporain du terme cette fois, partageable avec ses interlocuteurs et sur lequel on puisse s'appuyer pour raisonner. Invite incitative, car d'évidence Descartes a rencontré des personnes qui en sont dépourvues et qui pourtant « n’ont point coutume d’en désirer plus qu’ils en ont ».

En ouverture de la première méditation, nous lisons :

« Il y a déjà quelque temps que je me suis aperçu que, dès mes premières années, j’avais reçu quantité de fausses opinions pour véritables, et que ce que j’ai depuis fondé sur des principes si mal assurés, ne pouvait être que fort douteux et incertain : de façon qu’il me fallait entreprendre sérieusement une fois en ma vie de me défaire de toutes les opinions que j’avais reçues jusques alors en ma créance, et commencer tout de nouveau dès les fondements, si je voulais établir quelque chose de ferme et de constant dans les sciences. » 11.

Le bon sens comme opinions partagées mais sans fondement assuré est donc aussi le creuset de toutes les erreurs, de toutes les fausses routes, de toutes les impasses : il s’agit de le passer au crible du doute méthodique, de s’en méfier. Mais, ne nous y trompons pas, il s’agit alors là d’un autre commun que le bon sens qui nous occupait jusqu’à présent : à savoir, plutôt, le sens commun de la doxa, des vues banales sur les choses et sur la vie, de l'idéologie, de la pensée moyenne construite sur l’opinion grise de la foule . Ce commun-là, nous ne tenterons certes pas de réconcilier Descartes avec lui.

Vertus épistémiques du bon sens

Revenons donc au bon sens. Prometteur, loué comme notre dénominateur commun, comme la base de notre appréciation du vrai et du faux. Si Descartes le considère comme  fondamental, il faut préciser que c'est pour ses vertus épistémiques jusque dans les sciences les plus sérieuses. Simplement, il faut se montrer prudent car ce bon sens est ambivalent. Il ne s’agit pas seulement de l’attitude quotidienne d’acquiescement à la donnée du réel par les sens, mais de plus que cela. Il s’agit, aussi, du combustible de la raison spéculative, qui peut (et doit) peser le vrai et le faux, le pour et le contre, en permanence. C’est à ce titre, aussi, que le bon sens commun a des vertus.

Par exemple, dans la troisième partie de ses Principes de la philosophie (1644), Descartes insiste sur l’importance de l’étalon du bon sens dans l’élaboration d’une théorie cosmologique convaincante :

« Car d’autant que Copernic n’avait pas difficulté d’accorder que la Terre était mue, Tycho, à qui cette opinion semblait absurde et entièrement éloignée du sens commun, a tâché de la corriger … » 12.

D'évidence pour le sens commun (pour la perception sensorielle comme pour l'opinion partagée) la Terre est immobile. Dommage pour Tycho Brahe, le « sens commun » l’aura induit en erreur : mais Descartes se montrera d'une grande élégance et le sauvera, un peu, quitte à lui prêter un apport théorique qui n’est au fond pas le sien 13. Cette postérité malheureuse, qui voit une physique datée aussitôt qu'elle est formulée, guettera d’ailleurs Descartes lui-même et sa théorie des tourbillons, malgré de belles intuitions sur la sphère des fixes 14 et une intuition de la relativité prometteuse en l’image du bateau 15.

Notons aussi que si Descartes renonce à la publication de son Traité du Monde c'est par peur d’un sort voisin de celui de Galilée, condamné pour sa philosophie naturelle. Contrevenir au sens commun devenu idéologie normative a des conséquences politiques (voir : Le procès de Galilée et ses enjeux idéologiques).

1.2 Un langage en commun

« Prodiges et vertiges » 16 du langage commun

Descartes est assez clair sur ce point, celui « qui tâche d’élever sa connaissance au-delà du commun, doit avoir honte de tirer des occasions de doutes des formes et des termes de parler du vulgaire » 17 : ce mantra lui évite d’avoir à remanier son dictionnaire face à l’épreuve que représente la pensée du fameux morceau de cire, dont l’extension et les qualités secondes changent.

Le langage vulgaire, commun, c’est alors l’ancre qui nous permet de ne pas partir à la dérive et de ne pas tomber dans un nominalisme diffracté temps à temps, atomisé dans le processus de scrutation des transformations de l’objet, qui perdrait son unité dans le phénomène morcelé et dans le verbe maniaque. Garde-fou, le langage commun est alors le meilleur moyen de se rappeler les évidences premières, salvatrices, d’un effort de représentation « distinct et évident » 18.

Mais s'il reconnaît que langage commun permet parfois d’accueillir l’évidence des choses claires, distinctes, il n'en va pas toujours ainsi : en effet, les prodiges de ce « parler du vulgaire » s'accompagnent aussi de vertiges.

« Car encore que sans parler je considère tout cela en moi-même, les paroles toutefois m’arrêtent, et je suis presque trompé par les termes du langage ordinaire (…). » 19.

Le langage commun, la langue commune, est rétive à se plier aux exigences de l’exactitude et de la pensée aiguisée. Dans ses Principes de philosophies (1644), Descartes aura des mots très durs vis-à-vis de cette façon de parler « improprement et suivant l’usage » 20, c’est-à-dire « suivant la façon vulgaire » 21, façon dont il finira néanmoins parfois par s’ « accommoder à l’usage » 22, en « parlant improprement » 23. Le problème n’est pas le bons sens commun à tous, amical et fiable, mais le langage commun, insuffisant et trompeur. Comment, alors, mieux envisager le monde, en gardant le socle commun du bon sens tout en s’affranchissant des limites du langage ordinaire ?

Un langage en commun : la mathématique

Peut-être une réponse est-elle dans la Mathématique, elle dont il loue les vertus dans les Règles pour la direction de l’esprit (1628) 24. Langage universel (et, donc, commun - dans une autre acception du terme) par excellence, la Mathématique semble, en effet, nous permettre de sortir de cette aporie du langage ordinaire, et se montrer capable de saisir d’une façon éminemment générique la réalité de l’étendue. Pour autant, ne nous y trompons pas : il y a un piège, pensé par Husserl, dans lequel Descartes ne tombe pas et dont le penseur autrichien, père de la phénoménologie, pense que Galilée, lui, précisément, y était tombé.

Ce piège consiste à confondre le monde mathématisé avec le monde lui-même, le calque d’équations et le treillis quantitatif qu’il porte avec le monde lui-même, monde qu’il prétend modéliser - ce « monde de la vie » qualitatif, bigarré et complexe.

À défaut, donc, d’avoir proposé une physique mathématique qui ait la postérité et l’assise de celle de l’auteur du Il Saggiatore (L’Essayeur - 1623), Descartes aura évité l’écueil de confondre le monde avec le « vêtement d’idées » 25 qui le recouvre : il situe bien l’arithmétique et la géométrie du côté de la lumière de la raison, et non des objets qu’elle éclaire 26. Il serait même possible d’aller plus loin et de s’étonner de la mathématisation de la physique à laquelle participe de fait Descartes (pensons à sa loi de réfraction 27 dite des sinus) en se rappelant que, dans les Règles pour la direction de l’esprit (1628), Descartes dit bien que si

« l’arithmétique et la géométrie sont beaucoup plus certaines que les autres sciences », c’est parce qu’« elles traitent d’un objet assez pur et simple pour n’admettre absolument rien que l’expérience ait rendu incertain » 28.

Non parasitée par l’expérience, la mathématique n’y est pas enchaînée comme un langage à son énonciateur. Si la mathématique dit l’étendue et la quantité, elle n’est pas dite par elles.

Galilée, lui, affirmait en 1623 que :

« la philosophie est écrite dans cet immense livre qui se tient toujours ouvert devant nos yeux, je veux dire l'univers, mais on ne peut le comprendre si l'on ne s'applique d'abord à en comprendre la langue et à connaitre les caractères dans lesquels il est écrit. Il est écrit en langue mathématique, et ses caractères sont des triangles, des cercles et autres figures géométriques, sans le moyen desquels il est humainement impossible d'en comprendre un mot » 29.

Comprenons alors que pour Galilée, la mathématique n’est pas la langue de l’épistémê, de l’édifice de connaissance, mais est la langue de la nature elle-même. Le plan ontologique et le plan épistémique sont parfaitement indiscernables. Avec Galilée, l’épistémique et l’ontologique se confondent, le discours sur le monde et le discours du monde fusionnent : la nature nous parle plutôt qu’on ne parle sur elle.

Descartes ne tombera pas dans ce piège. Si la mathématique est un langage, elle n’est ni celui de la nature, ni même celui de Dieu, mais bien le nôtre : notre langage donc, superbe et infaillible tant que spéculatif, modeste outillage dès qu’appliqué à la nature. Un langage qu’ignorent les bêtes et qui nous appartient, à nous autres humains bornés à entendre le monde par l’effort analytique de notre raison. Un langage public - non « privé », comme dirait Wittgenstein - et que nous avons en partage.

1.3 Une physiologie de la sensation comme commune mesure de l’Homme

Commune nature, commune constitution

Plutôt que de voir le monde par le calque de nombres et d’équations qui le recouvre, Descartes aura donc œuvré à chercher des mécanismes, à dérouler une narration causale (car, c’est notre parti pris ici, on peut bel et bien supposer qu’il ménage une place à la causalité des corps - ce point est l’objet d’un débat parmi les historiens de la philosophie 30).

Le lieu du mécanisme par excellence est sans doute sa physiologie. On peut par ailleurs voir son anthropologie physiologiste comme une tentative de saisir l’Homme dans le monde vécu, dans l’immanence des données des sens, en interaction permanente avec ce monde dans lequel il baigne, et avec lequel il interagit : si, en effet, l’anthropologie cartésienne a bien un mérite, c’est celui de ne pas nous extraire de notre mondanité sensorielle, sensuelle, et même d’en faire une clef d’entrée dans la mécanique des passions - le monde agit sur le corps, qui agit sur l’âme. Ce serait alors dans la physiologie cartésienne que se logerait la clef la plus évidente de notre communauté de constitution et d’être.

Si le cogito invite la vérité de l’être dans et par la singularité extrême du sujet, nous avons vu que le truchement d’un Dieu non-trompeur et au pouvoir créateur sans borne garantit une Nature, à laquelle il arrive d’ailleurs à Descartes de l’identifier purement et simplement 31. Une Nature, donc, dans laquelle nous existons en tant qu’êtres animés et sentants. À ce titre, sentir, ressentir, c’est mesurer et être mesuré :la physiologie de la sensation est alors bien commune mesure de l’Homme chez Descartes.

Mais cette lecture que nous faisons, d’une Nature au sein de laquelle nous serions entièrement inscrits, nous serons amenés à la relativiser un peu plus loin : car Descartes revient sur ce qu’il appelle la Nature, et en exclut l’esprit - à rebours des vœux que formulera Schrödinger dans l’Esprit et la matière (1956). Par ailleurs, cette commune constitution est explicitement liée par Descartes à la faculté de faire « sentir la même chose à l’esprit, quoi que cependant les autres parties du corps puissent être diversement disposées » 32, et qu’il appelle « sens commun » 33.

La question est alors moins celle de la possibilité d’une intersubjectivité (nous y reviendrons avec Husserl) que celle de savoir si Descartes relève vraiment le défi d’une inscription de l’Homme dans la Nature dont il fait partie, d’une anthropologie inscrite dans la philosophie naturelle. Il nous semble que ce défi est affronté dans les Passions de l’âme, ainsi que dans le Traité de l’Homme, où il faillit de peu à être relevé.

Quel commun entre moi et le monde ?

Nous l’avons suggéré, du fait du dualisme cartésien des substances (il y a l’âme, il y a le corps) et malgré la fine mécanique de l’union 34, Descartes ne parviendra pas tout à fait à relever le défi de Schrödinger - lequel défi consiste à poser que

« ce sont les mêmes éléments qui composent l’esprit et le monde » 35 puis que « le sujet et l’objet ne font qu’un » 36.

L’âme est immatérielle, non-étendue, non divisible. Le monde des corps est matériel, étendu, divisible 37. Si Descartes annonce dans la sixième méditation une véritable topologie des sensations commune dans le corps et dans le cerveau, en expliquant que

« l’esprit ne reçoit pas immédiatement l’impression de toutes les parties du corps, mais seulement du cerveau, ou peut-être même d’une de ses plus petites parties, à savoir de celle où s’exerce cette faculté qu’ils appellent le sens commun » 38,

il ne peut pour autant pas percer le mystère de cette union au delà de la donnée apodictique de cette âme immatérielle, non-étendue, située, mais proprement insondable.

Tout lecteur de son Traité de l’Homme n’aura pu manquer de noter un effet de mise en abîme, un jeu de poupées russes, qui reporte sur l’âme la sensorialité du sujet incarné : l’âme sent, voit, entend, accède aux plis de la mémoire… Quel paradoxe ! Citons quelques passages :

« l’âme pourra connaître » 39, mais aussi « pourra se tromper » 40, « voir » 41, « sentir » 42, etc.

En fait, ce qu’avoue Descartes entre les lignes, c’est que le mystère reste entier, bien que circonscrit à cette « glande pinéale » qu’il loge au milieu du cerveau 43. Mais, « l’esprit conscient lui-même reste un étranger au sein de cette construction » 44. Un étranger retranché, donc, dans cette « glande pinéale » qui, parfois, semble être le poste privilégié d’une âme tenant lieu de « pilote en son navire » 45 alors même que Descartes refuse cette image.

L’étendue en commun

Néanmoins, nous pouvons reconnaître à Descartes un effort d’inscription de l’Homme dans la philosophie naturelle : un effort qui est, déjà, un premier pas prometteur, et parfaitement à rebours de l’idéalisme qu'Emmanuel Kant lui prête - pensons au chapitre de la Critique de la raison pure (1781-1787) consacré à la « réfutation de l’idéalisme ».

Si Kant y fait de Descartes un idéaliste problématique (et non pas dogmatique) 46, il semble néanmoins ne considérer que la métaphysique de Descartes - et passer à côté des travaux anthropologiques et proto-médicaux. Dans ces derniers, Descartes ancre les idées et la mémoire dans les plis des circonvolutions cérébrales, les passions dans la mécanique des « esprits animaux », et de ce fait libère donc l’Homme de tout enfermement autistique (et désincarné) dans la seule évidence de sa subjectivité pensante.

Ce que Descartes livre dans ces travaux, c’est la donnée d’une étendue en commun entre les objets du monde et nos êtres incarnés, par le truchement du corps et de ces corpuscules que sont les esprits animaux et qui sont capables, par leur dynamique, d’affecter l’âme. Dans le Traité des passions de l’âme (1649), la mécanique des passions qui affectent l’âme par le truchement du corps est détaillée - plusieurs passions fondamentales sont décrites, dont le siège « n’est pas dans le cœur » (art. 33) mais plutôt dans le cerveau. Dans le Traité de l’Homme, les « Idées » sont décrites en termes d’esprits animaux, dont le circuit, dans la tuyauterie cérébrale, au sortir de la glande pinéale, fait tout l’effet dans le « sens commun » ou dans « l’imagination » 47.

Nous souhaitons voir dans cet effort cartésien, dans cette superbe curiosité, l’annonce de ce que seront les neurosciences trois siècles plus tard. Descartes dissèque, Descartes explore, pour mieux repousser les limites de l’inconnu et mieux mettre à nu les rouages matériels de notre chimicité. Bien sûr, Descartes n’est pas Hobbes : il ne propose pas un De Homine (1658) matérialiste, et sa quête ne prendra d’ailleurs jamais les atours d’un physicalisme malgré une Physique conséquente et renseignée ; simplement, il n’est pas non plus prisonnier d’un idéalisme éthéré et d’une conception de l’homme confinant à la donnée d’un sujet ratiocinant et maître de son discours métaphysique seul. L’homme, chez Descartes, est aussi compris comme un corps dans le monde, voire un corps de monde : un corps inondé de sensations, alerte, éveillé, sensible, vibrant et interagissant.

2. Vers un monde en commun ?

Nous avons accueilli la donnée d’un homme au monde, dans le monde, dont Descartes a nourri le projet de décrire les caractéristiques dès l’interaction in utero avec l’environnement de sa mère 48. La question qui se pose alors, est celle de savoir comment ce monde, commun, dans lequel l’Homme s’inscrit et se construit, est possible en cohérence avec la métaphysique cartésienne. En effet, la sixième méditation a permis d’établir l’existence d’un monde objectif et matériel, sans pour autant insister sur la valeur universelle de cette expérience de déconstruction-reconstruction: c’est que le fait que cette expérience vaille pour tous est peut-être si évident chez Descartes qu’il n’aura pas ressenti le besoin de le préciser outre mesure, ayant naturellement autorisé ainsi son « je » à valoir pour « nous » - c’est-à-dire pour tous.

2.1 Intersubjectivité.

Deux étapes

Pour sortir du solipsisme auquel pourrait confiner la seule évidence du cogito, Descartes nous prend par la main dans la sixième méditation. Pour autant, comme nous venons de le suggérer, il s’arrête en chemin. En effet, si nous cernons deux étapes, à savoir l’établissement de l’existence d’un monde matériel objectif, fait d’étendue c’est-à-dire de corps, puis l’existence d’autres êtres pensant au sein de ce même monde, il nous semble que Descartes s’arrête à la première en considérant la seconde comme acquise.

Le reste de son œuvre vaut pour preuve de ce qu’il n’est pas prisonnier du solipsisme, et que la solution au problème de l’intersubjectivité est à trouver hors de sa métaphysique (comme un présupposé de son Traité de l’Homme, ou de son Traité des passions de l’âme - puisque, y aurait-il une anthropologie médicale sans postulat de base de notre commune humanité, de notre commune nature de sujets pensants et ressentants, et donc d’une intersubjectivité de fait ?). Si la première étape donc, Descartes la pose de façon on peut plus explicite (« il y a des choses corporelles qui existent » 49, établit-il dans la sixième méditation), la seconde reste implicite, acceptée de fait comme un postulat nécessaire à la cohérence de son œuvre et de ses investigations médico-anthropologique, mais à deviner en creux.

Nous allons nous attacher à voir éclore la possibilité de cette intersubjectivité par le truchement d'Edmund Husserl (1859-1938).

2.2 Un monde commun : le concept de monde comme horizon chez Husserl

Notre problème, Husserl le posait bien dans la première partie de sa Krisis : « l’ego, tel qu’il est découvert dans l’épochè comme étant pour soi-même, n’est pas encore un moi qui puisse avoir d’autres ou plusieurs co-mois en-dehors de soi » 50. En effet, si avec Descartes l’en-dehors de soi est assuré, quid des « co-mois » ?

C’est la question que nous posions, en pointant deux étapes (le monde matériel objectif, l’existence d’autres sujets) dont une seule aurait été explorée assez explicitement par Descartes. Pour aller plus loin, Husserl affirme que « [m]oi-même en tant que « je » transcendantal « constitue » le monde et suis en même temps en tant qu’âme un « je » humain dans le monde » 51 - où l’âme est le « Je mondanisé » 52. Ce qu’opère donc Husserl, c’est un retournement. Est-ce suffisant ?

Lui qui est si sévère avec Descartes, fait-il pour autant vraiment mieux ? Car s’il autorise à penser un monde en commun, lequel, nous le répétons, ne faisait pas défaut chez un Descartes qui n’aurait bien évidemment pas écrit un Traité du Monde (1633) 53 sans la certitude d’un monde objectif à explorer. Husserl risque lui aussi de confiner au solipsisme de par la structure même de sa phénoménologie transcendantale attachée au seul sujet.

Même si, dans la section 54 de la troisième partie de la Krisis, il prétend arriver à une« résolution du paradoxe » 54 et répondre à la question de notre « humanité en tant que subjectivité constituant le monde et pourtant subordonnée elle-même au monde » 55, il nous semble qu’il ne fait que reformuler le problème de l’intersubjectivité. Lequel est posé après que nous ayons été entraîné dans la voie de non retour du questionnement phénoménologique.

Après avoir pourtant bien précisé que « le philosophe dans l’épochè ne tient plus naïvement ni lui-même ni les autres tout simplement pour des hommes, mais seulement pour des « phénomènes » 56, Husserl balaye le problème en parlant de l’ « évidence » nous autorisant à « parler d’une intersubjectivité transcendantale constitutive du monde en tant que « monde pour tous » 57. Mais comment prouve-t-il cela ? Et quel est ce monde ? Le mystère demeure, à ce stade de notre lecture. Nous verrons d’ailleurs que le monde n’est chez lui qu’horizon - un horizon indispensable, solide et certain, mais un horizon qui vient après, ligne de fuite à autre chose, à une visée de l’intention.

Car une clef subsiste à l’intérieur même du sujet : et celle-ci nous est donnée par la phénoménologie husserlienne, dont notre première lecture s’était montré si « sceptique », d’une certaine façon, que nous avions vite conclu à l'aporie. Dépassons le temps de la suspicion, revenons donc à Husserl. En effet, pour Husserl, nous pouvons faire l’expérience du monde et ainsi acter qu’il existe, qu’en parler a un sens :

« J'ai conscience d'un monde qui s'étend sans fin dans l'espace, qui a et a eu un développement sans fin dans le temps. Que veut dire : j'en ai conscience ? D'abord ceci : je le découvre par une intuition immédiate, j'en ai l’expérience » 58.

Mais le mode de l’expérience du monde n’est pas celui de l’expérience des objets, il vaut en soi et est celui de l’horizon, de cette « circonférence (Umring) du coprésent à la conscience d'une manière claire ou confuse » 59. L’horizon est une structure de donation qui s’agence avec le sujet : il ne peut y avoir d’objet sans monde, qui ne soit pas du monde, dans le monde - et ce monde perçu par nous est l’horizon ultime des objets, un point de fuite qui se déplace avec le sujet, vu depuis le sujet.

Ainsi, Husserl suppose possible de saisir un monde qui ne sorte pas du sujet, qui ne brise pas l’épochè, qui reste attaché à la structure intime, privée, de notre perception. Il accepte le legs cartésien, sans le faire déborder de son propos, et le prolonge par un questionnement transcendantal attentif qui prolonge ce devoir d’éveil déjà formulé par Descartes.

Le commun est alors réconcilié avec la plus singulière subjectivité : celle de l’ego pur - de l’ego sujet, non encore psychologique. À ce titre, on peut dire que s’il était donné chez Descartes, le commun devient à la fois donné et horizon chez Husserl. Il est donnée horizontale, ligne de fuite de notre perception des phénomènes, paradoxalement attaché à la structure singulière de notre perception. Ainsi, commun et singulier sont bel et bien réconciliés, grâce à Husserl : est-ce étonnant, de la part du fondateur de la phénoménologie ?

Conclusion

À l’entrée « commun », le Littré indique : « 1. Qui est de participation à plusieurs ou à tous. (…) 2. Qui se fait en société, ensemble ; qui est conjoint. (…) 3. Général, public. (…) 4. Ordinaire. (…) 5. Fréquent, abondant, qu'on trouve facilement. » mais aussi « 7. Privé de noblesse, de distinction. ». Nous aurons passé en revue ces différents usages - pour le dernier, songeons à ce que nous avons souligné la réticence de Descartes vis-à-vis d’un certain usage de la langue vulgaire. Pour autant, c’est bien la première définition qui nous convainc le plus, à l’issue de cette exploration.

Si Descartes pense le commun comme un donné, il ouvre aussi la voie à ce qui sera, au XXe siècle, une pensée du monde comme horizon paradoxal, car participant de notre représentation du monde en même temps que nous y participons nous-mêmes. Ce monde en partage, savoir le penser est vital : éthiquement, pour me situer en sujet causal et actant sur les choses et les autres, moralement, pour fonder une communauté de ressenti et d’être avec ces « co-mois » qui me sont frères, voire parfois autant d’inquiétants jumeaux. Car « ce qui vaut pour moi, vaut également pour les autres, puisqu'ils sont des sujets « comme moi-même je le suis » » 68. Aussi Descartes ne pouvait-il échapper à cet examen, à première vue terriblement lexical et maniaque, mais qui pourtant se sera attaché à montrer l’extraordinaire volubilité d’un corpus qui échappe, largement, au procès en solipsisme qui semblait parfois le guetter.

 

Notes :

1 Guenancia P., Descartes et l’ordre politique, « Critique cartésienne de la politique », chap. III, PUF(1983), p. 25.

2 Trois ouvrages renseignent ici notre connaissance de la biographie de Descartes : Descartes par lui-même (1956), de Samuel de Sacy, Descartes (1998), de Geneviève Rodis-Lewis, ainsi que le chap. IX du deuxième tome de l’Histoire de la philosophie occidentale de Bertrand Russell (1946).

3 Pensons à son refus de verser dans la polémique, son désir de ne pas froisser certains de ses interlocuteurs malgré les querelles afin de ne pas envenimer les choses, ou enfin à son refus de publier son Traité du Monde, en 1633, par crainte d’un sort jumeau de celui de Galilée - ce qui conduira à ce qu’une inflexion soit faite, dans les Principes de Philosophie (1644), à sa thèse d’un mouvement de la terre. Une thèse du mouvement terrestre devenue donc timide dans les Principes, lorsqu’elle n’y est pas purement et simplement niée (notamment dans la troisième partie, article 19 par exemple), car présentée d’une façon si prudente, alambiquée et contradictoire, qu’elle porterait presque à rire (Descartes, dans l’article 26, toujours dans la partie III, réussit le tour de force de décrire une terre qui se meut sans se mouvoir, mobile mais immobile, car mue comme un vaisseau sans rames ni voile emporté par le cours des flots). Néanmoins, ne sourions pas trop vite, et surtout ne nous moquons pas : car, après tout, le lecteur attentif remarquera une pré-science somme toute géniale de ce que seront les représentations du mouvement en gravité (c’est-à-dire en tant que

4 Voir R. Descartes, Méditation sixième in Méditations Métaphysiques (1641) dans Œuvres et lettres,4 Voir R. Descartes, Méditation sixième in Méditations Métaphysiques (1641) dans Œuvres et lettres, éditions Gallimard, collection de la Pléiade, 1953, p. 331.

5 In R. Descartes, Discours de la méthode (1637), première partie - dans Œuvres et lettres, éditions Gallimard, collection de la Pléiade, 1953, p. 126.

6 Ibid., p. 126.

7 Ibid., p. 126.

8 In Samuel de Sacy, Descartes par lui-même, éditions du Seuil (1956), p. 86.

9 « Quand on est parvenu dans l’ego, on prend conscience qu’on se tient dans une sphère d’évidence, derrière laquelle vouloir poser encore des questions en retour est un non-sens », nous dit Husserl dans La crise des sciences européennes et la phénoménologie transcendantale, trad. G. Granel, Gallimard, collection Tel, 1989, p. 214.

10 Notons que cet ego ne vaut qu’en tant que sujet, non sur-explicité au demeurant, du sum. C’est bien l’avènement d’un « je », sujet (sujet de l’acte de penser), et non pas d’un « moi », objet (objet de l’introspection), que Descartes accueille dans son Discours de la méthode (1637) et dans ses Méditations métaphysiques (1641). Ce « je » sujet est le corollaire de l’acte « cogito », de cet acte de penser conjugué à la première personne du singulier. Comment comprendre, alors, que Husserl, dans La crise des sciences européennes et la phénoménologie transcendantale (1936), dans la première partie à son paragraphe 19, fasse porter le chapeau du glissement du cogito à un ego psychologique (au sens d’un moi plein) à ce même Descartes qui ne laissait aucune place à l’ambiguïté ? Il faut aussi rappeler à cette occasion la position de Alain de Libera pour qui l'invention par Descartes du sujet cartésien, est un « mythe historiographique », un « mythe à déconstruire » (Archéologie du Sujet 1, p.153). C'est le produit d’une « histoire rétrospective » (Ibid p.172). La « mutation » dans l’histoire du sujet ne doit pas tant être rapportée au cogito, ergo sum, qu’à la longue histoire qui le précède.

11 Descartes R., Méditations métaphysiques (1641), Première méditation - dans Œuvres et lettres, éditions Gallimard, collection de la Pléiade, 1953, p. 267.

12 In Principes de Philosophie (1644), III-18 - Œuvres de Descartes, IX, Vrin, 1996, p. 109.

13 Selon Descartes, on peut tout de même lire Tycho de sorte à conclure de ses hypothèses, et donc en quelque sorte par elles et malgré elles, le mouvement de la terre « de façon évidente et certaine » - in Principes de Philosophie (1644), III-38 - Œuvres de Descartes, IX, Vrin, 1996, p. 120.

14 Voir ses Principes de Philosophie III-7 et III-14, aux pp. 104 et 108 de l’édition citée. Ces intuitions sont à relativiser par le refus qui sera celui de Descartes d’utiliser les étoiles fixes comme repère - voir Principes de Philosophie III-29 p. 115 de l’édition citée.

15 Voir ses Principes de Philosophie III-15, p. 108 de l’édition citée : « comme celui qui, étant en mer pendant un temps calme, regarde quelques autres vaisseaux assez éloignés qui lui semblent changer de situation, ne saurait dire bien souvent si c’est le vaisseau sur lequel il est, ou les autre, qui en le remuant causent un tel changement… ».

16 Nous nous permettons un clin d’oeil au titre de l’ouvrage Prodiges et vertiges de l’analogie, de J. Bouveresse (1999).

17 Descartes R, Méditations métaphysiques (1641), Méditation seconde - dans Œuvres et lettres, éditions Gallimard, collection de la Pléiade, 1953, p. 281.

18 Ibid., p. 282.

19 Ibid., p. 281.

20 Voir le titre du 29e paragraphe de la troisième partie des Principes de Philosophie - p. 114 de l’édition citée.

21 In Principes de Philosophie (1644), III-29 - Œuvres de Descartes, IX, Vrin, 1996, p. 114.

22 In Principes de Philosophie (1644), III-29 - Œuvres de Descartes, IX, Vrin, 1996, p. 114.

23 In Principes de Philosophie (1644), III-29 - Œuvres de Descartes, IX, Vrin, 1996, p. 114.

24 Date de rédaction des Regulae d’après la chronologie de Descartes établie pour la bibliothèque de la Pléiade - in Œuvres et lettres (1953), sous la direction d’André Bridoux.

 25 Cette très belle expression est de Husserl. Voir La crise des sciences européennes et la phénoménologie transcendantale, partie I, section 9 « La mathématisation galiléenne de la nature », paragraphe h) - Editions Gallimard, Collection Tel (1989), p. 60.

26 En parlant de la « sagesse humaine », c’est-à-dire des sciences et de leur langage, Descartes dit bien que « si différents que soient les objets auxquels elle s’applique, [elle] ne reçoit pas plus de changement de ces objets que la lumière du soleil de la variété des choses qu’elle éclaire » - in R. Descartes, Règles pour la direction de l’esprit (rédaction 1628 - Trad. Georges Le Roy 1932), Règle I, dans Œuvres et lettres, éditions Gallimard, collection de la Pléiade, 1953, p.37.

27 On attribue parfois cette loi à Snell. Descartes avait établi cette loi avant d’avoir connaissance de ce qu’elle avait été formulée par Snell. On parle aujourd’hui de la loi de Descartes-Snell, la postérité renonçant à procéder à un arbitrage qui aurait été aussi injuste qu’inane.

28  Descartes R., Règles pour la direction de l’esprit (rédaction 1628 - Trad. Georges Le Roy 1932), Règle II - dans Œuvres et lettres, éditions Gallimard, collection de la Pléiade, 1953, p. 41.

29 Galilée, L’Essayeur, traduction Christiane Chauviré, éditions Les Belles Lettres, coll. « Annales littéraires de l’Université de Besançon » (no 234), 1979, p. 141.

30 On peut, sur la question de la causalité chez Descartes, confronter des lectures occasionnalistes (D.30 On peut, sur la question de la causalité chez Descartes, confronter des lectures occasionnalistes (D.Garber, S. Nadler) à une lecture conservationniste (T. Schmaltz).

31 « Car par la nature, considérée en général, je n’entends maintenant autre chose que Dieu même », nous dit-il dans la sixième méditation - voir R. Descartes, Méditations Métaphysiques (1641) dans Œuvres et lettres, éditions Gallimard, collection de la Pléiade, 1953, p. 326.

32 R. Descartes, Méditation sixième in Méditations Métaphysiques (1641) dans Œuvres et lettres, éditions Gallimard, collection de la Pléiade, 1953, p. 331.33 Ibid., p. 331.

34 L’union est fondamentale pour penser l’homme chez Descartes, au delà du dualisme des substances.« [J]e ne suis pas seulement logé dans mon corps, ainsi qu’un pilote en son navire, mais, outre cela, (…) je lui suis conjoint très étroitement et tellement confondu et mêlé, que je compose comme un seul tout avec lui », nous dit-il dans sa sixième méditation. Voir Méditation sixième in Méditations Métaphysiques (1641) dans Œuvres et lettres, éditions Gallimard, collection de la Pléiade, 1953, p. 326.

35 In Erwin Schrödinger, L’esprit et la matière, « Le principe d’objectivation », éditions du Seuil (recueil de1958 - trad. Michel Bitbol 1990), p. 195.36 Ibid., p. 195.

37 Cette dichotomie très claire est rappelée dans la sixième méditation - voir R. Descartes, Œuvres et lettres, éditions Gallimard, collection de la Pléiade, 1953, pp. 330-331.

38 R. Descartes, Méditation sixième in Méditations Métaphysiques (1641) dans Œuvres et lettres, éditions Gallimard, collection de la Pléiade, 1953, p. 331.

39 Voir pp. 836-837 de l’édition des Œuvres et lettres de Descartes dans la collection de la Pléiade (Gallimard, 1953) pour un concours d’occurence non exhaustif de cette expression.

40 Traité de l’homme in R. Descartes, Œuvres et lettres, éditions Gallimard, collection de la Pléiade, 1953, p.837.

41 Traité de l’homme in R. Descartes, Œuvres et lettres, éditions Gallimard, collection de la Pléiade, 1953, p.834.42 Traité de l’homme in R. Descartes, Œuvres et lettres, éditions Gallimard, collection de la Pléiade, 1953, p.835.

43 Cette « glande (…) est composée d’une matière qui est fort molle, et (…) n’est pas toute jointe et unie à lasubstance du cerveau, mais seulement attachée à de petites artères (…) et soutenue comme en balance par la force du sang » - Traité de l’homme in R. Descartes, Oeuvres et lettres, éditions Gallimard, collection de la Pléiade, 1953, p. 854.

44 Erwin Schrödinger, L’esprit et la matière, « Le principe d’objectivation », éditions du Seuil (recueil de 1958- trad. Michel Bitbol 1990), p. 190.

45 Une image dont P. Guenancia nous précise que Descartes la reprend de l’Antiquité.

46 Lisons Kant : « L’idéalisme (j’entends l’idéalisme matériel) est la théorie qui déclare l’existence des objets extérieurs dans l’espace ou douteuse et indémontrable, ou fausse et impossible. La première doctrine est l’idéalisme problématique de Descartes, qui ne tient pour indubitable que cette affirmation empirique (assertio) : je suis ; la seconde est l’idéalisme dogmatique de Berkeley, qui regarde l’espace avec toutes les choses dont il est la condition inséparable comme quelque chose d’impossible en soi, et par conséquent aussi les choses dans l’espace comme de pures fictions. » in Critique de la raison pure (seconde édition,1787), Éd. Gallimard, Collection Folio, 1980, p. 260.

47 Traité de l’homme in R. Descartes, Œuvres et lettres, éditions Gallimard, collection de la Pléiade, 1953, p.852.

48 Chez Descartes, l’homme, « après et même avant sa naissance », « subit les mécanismes corporels, et ceux de la mère qui le porte », nous rappelle G. Rodis-Lewis in Descartes (1998), CNRS Editions, p. 222.

49 R. Descartes, Méditation sixième in Méditations Métaphysiques (1641) dans Œuvres et lettres, Editions Gallimard, collection de la Pléiade, 1953, p. 325.

50 La crise des sciences européennes et la phénoménologie transcendantale, partie I, section 19 - Editions Gallimard, Collection Tel (1989), p. 95.

51 La crise des sciences européennes et la phénoménologie transcendantale, partie III, section 57 - Editions Gallimard, Collection Tel (1989), p. 228.

52 La crise des sciences européennes et la phénoménologie transcendantale, partie III, section 58 - Editions Gallimard, Collection Tel (1989), p. 233.

53 En 1633, Descartes renonce à la publication de ce traité de peur d’un sort voisin de celui de Galilée, condamné pour sa philosophie naturelle.

54 C’est le titre de cette section 54 - voir La crise des sciences européennes et la phénoménologie transcendantale, partie III, section 54 - Editions Gallimard, Collection Tel (1989), p. 207.

55 Ibid., p. 207.

56 Ibid., p. 208

57 Ibid., p 210.

58 E. Husserl, Idées directrices pour une phénoménologie et une philosophie phénoménologique pures, cité par R. Guilead in « Le concept de monde selon Husserl », Revue de Métaphysique et de Morale, Juillet-Septembre 1977, PUF - p. 345.

59 Ibid., p. 346.

 

Bibliographie :

De Libera A., Archéologie du sujet I. Naissance du sujet, Paris, Vrin, 2007.

De Sacy S., Descartes par lui-même, éditions du Seuil, 1956.

Descartes R., Oeuvres et lettres, éditions Gallimard, collection de la Pléiade, 1953.

           -          Oeuvres publiées par Ch. Adam et P. Tannery, Tome IX, éditions Vrin, 1996.

Guenancia GP., Descartes et l’ordre politique, PUF, 1983.

Guilead R., « Le concept de monde selon Husserl » (1977), Revue de Métaphysique et de Morale, Juillet-Septembre 1977, PUF.

Husserl E., La crise des sciences européennes et la phénoménologie transcendantale (1936), trad. G. Granel, éditions Gallimard, collection Tel, 1989.

Kant E., Critique de la raison pure (1781, 1787), éditions Gallimard, Collection Folio, 1980.RG. Rodis-Lewis, Descartes, CNRS Éditions, 1998.

Russell B., Histoire de la philosophie occidentale (1946), Tome II, Chap. 9, Éditions LesBelles Lettres, 2017.

Schrödinger E., L’esprit et la matière (1956), trad. M. Bitbol, éditions du Seuil, 1990.