Revue philosophique

Par complexité, on désigne, dans le langage courant, les aspects compliqués, enchevêtrés, interactifs, et, par là, peu prévisibles du monde. Mais généralement, on parle de complexité dans le domaine scientifique seulement si celle-ci apporte des qualités nouvelles par rapport aux interactions simples.

Sur le plan théorique, penser la complexité demande d'utiliser les concepts d'organisation, d'interaction, de système, de structure, ce qui permet de prendre en compte des entités composées. La pensée de la complexité renonce à ne voir que les lignées causales indépendantes pour considérer leurs interrelations. Elle pense en termes de système et accepte les prévisions incertaines de type statistique.

Sur le plan empirique, prendre en compte la complexité amène à prendre en considération des faits volumineux, compliqués, sans chercher à les simplifier. Il faut renoncer à l'opposition classique entre qualités premières et qualités secondes et admettre des faits volumineux, car leurs caractéristiques spécifiques viennent de leur composition complexe.

Depuis le milieu du XXe siècle, la manière d'envisager le monde sur un mode analytique, mécanique, linéaire et séquentiel de la science est concurrencée par une manière de voir globalisante, systémique, récursive et interactive. La compréhension déterministe et causaliste évolue actuellement vers une conception plus souple admettant la composition multicausale et l'aléatoire. Une vision globalisante consistant à prendre en compte les interactions, rétroactions et leurs conséquences, s'amorce dans différents domaines.

Certains, comme Ervin Laszlo, voient dans la théorie des systèmes le point central de la révolution qui serait en cours dans la compréhension scientifique du monde. Le changement s’est amorcé avec les premières découvertes de la physique quantique et confirmé lors de la généralisation de la thermodynamique, puis avec la cybernétique et la biologie contemporaine.

Le mouvement systémique du début du XXe siècle correspond à la recherche « de cadres théoriques solides dans les sciences non physiques (biologie, psychologie, économie, sociologie, etc.) », recherche rendue nécessaire par « l’inadéquation d’une pensée analytique ou atomiste souvent qualifiée de mécaniste afin d’appréhender les problèmes posés par la complexité organisée » (Pouvreau D., Systémologie générale, Sciences et techniques en perspective, vol.12, 2009). Les sciences humaines, plus que toutes autres confrontées au complexe, ont utilisé une conception systémique ou structurale dès les années 1950 (voir Structuralisme).