Écrit par : Patrick Juignet
Catégorie : Vocabulaire philosophique

Emmanuel Kant le premier a signalé dans la Critique de la raison pure que nous connaissons la réalité par l’expérience qui est « un composé de ce que nous recevons des impressions sensibles et de ce que notre propre pouvoir de connaître produit de lui-même ». C’est l’amorce d’un constructivisme empirique pour lequel la réalité naît de l’interaction entre le Monde et l’activité de connaissance humaine.

Le constructivisme s’est véritablement développé avec la psychologie de la connaissance, dont Jean Piaget a été le pionnier. Cet auteur a montré que les capacités à connaître se construisent progressivement chez l’enfant dans un jeu d'interaction réciproque, par assimilation et accommodation. C’est ce que recouvre le terme de constructivisme. Il inclut, par conséquent, une remise en question du réalisme empirique.

C'est à Gaston Bachelard que l’on doit le développement d'une épistémologie constructiviste. Gaston Bachelard considère que la science construit ses objets qui ne sont pas des choses déjà présentes. Elle les construit dans un projet qui les remanie au fil des avancées théoriques et de l’évolution des méthodes. Dans les sciences : « Rien ne va de soi. Rien n'est donné. Tout est construit », écrit-il dans La Formation de l'esprit scientifique en 1938.

Globalement, pour le constructivisme épistémologique, la réalité scientifique est construite par la méthode (l'expérimentation produit des faits). Le champ de la réalité mis en évidence dépend de cette méthode et en arrière-plan des théories utilisées. L'expérience organise une interaction avec le Monde et le résultat dépend de cette interaction. La science ne perçoit pas des choses déjà là, elle interagit grâce à des expérimentations

La réalité est construite, que ce soit par l'expérience ordinaire ou par l'expérience réglée par la méthode scientifique, mais en butant sur un réel indépendant qui résiste, exerce ses contraintes, et dons la modèle. Constructivisme et réalisme ne sont complémentaires. 

Tout autre est le constructivisme en sociologie, apparu dans les années 1960, en opposition à ce que l'on a appelé le réalisme social. Selon cette dernière doctrine, les faits sociaux, les traits anthropologiques, peuvent être définis par certaines caractéristiques objectivables qui seraient indépendantes des circonstances. Le constructivisme sociologique considère au contraire que ce sont les dynamiques sociales et les acteurs sociaux, au travers de leurs discours et de leurs actions, qui produisent les faits sociaux ; ce qui introduit une dépendance de ceux-ci aux conditions historiques et civilisationnelles. Il s'agit de tenir compte de la production des faits sociaux par les acteurs et les institutions. 

Le constructivisme peut prendre une tournure excessive et inadaptée, aboutissant au déni de l'existence autonome des référents concrets. Il s'agit là d'une forme extrême que l'on trouve dans l'idéologie constructiviste que l'on peut nommer constructionnisme pour la différencier du constructivisme épistémologique. Ce constructionnisme post-moderne nie l'objectivation de la réalité et la possibilité d'une vérité d'adéquation (y compris dans les sciences). L'idée d'une production socio-politique du savoir est poussée jusqu'au point où elle serait la seule détermination rendant tout savoir relatif au pouvoir.